Le gouvernement du Canada a récemment publié un document de travail sur les deux options de mise en œuvre qu’il envisage pour un nouveau plafonnement des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur pétrolier et gazier. Il y sollicite les commentaires du public sur la conception et la mise en œuvre de ces options. Un plafond d’émissions permettrait de fixer au secteur pétrolier et gazier canadien en amont une limite d’émissions de GES totales à ne pas dépasser, bien que la portée exacte de cette limite n’ait pas encore été établie. 

La première option envisagée par le gouvernement consiste en l’élaboration d’un nouveau système de plafonnement et d’échange en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (LCPE). Quant à la seconde, elle viserait à modifier la tarification actuelle de la pollution par le carbone aux termes de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre (LTPGES). Le format et le calendrier de la mise en œuvre de ce plafond d’émissions seront communiqués par le gouvernement au début de 2023.

En 2020, le secteur pétrolier et gazier canadien était à l’origine d’environ 27 % des émissions du pays. Les émissions totales de GES du secteur ont augmenté de 5 % entre 2005 et 2020, tandis que la production pétrolière et gazière s’est accrue de 26 % au cours de la même période. Cette hausse est principalement imputable à l’exploitation des sables bitumineux dont les émissions de GES sont passées de 35 Mt en 2005 à 81 Mt en 2020, bien que les émissions de GES par baril aient chuté de 33 % depuis 1990.


Plafonnement et échange

Le système de plafonnement et d’échange aurait une portée nationale et serait mis en œuvre par le biais de nouveaux règlements en vertu de la LCPE. Il fixerait au secteur pétrolier et gazier en amont un quota total d’émissions de GES autorisées pour des périodes précises dont la quantité diminuerait avec le temps, conformément aux objectifs du Canada en matière de GES pour 2030 et 2050.

Les acteurs du secteur recevraient des « unités d’émissions » et seraient tenus de remettre une unité par tonne d’émissions produite. Les unités seraient entièrement ou partiellement distribuées au moyen d’un système de vente aux enchères, dont les revenus seraient réinvestis pour appuyer les efforts de décarbonisation du secteur.
Le prix des unités serait déterminé par l’offre et la demande dans un marché d’échange d’unités d’émissions, mais certains mécanismes visant à atténuer la volatilité seraient également mis en place. Ces unités ne pourraient être utilisées dans aucun autre système de réglementation, comme le filet de sécurité fédéral sur la tarification du carbone ou des systèmes provinciaux équivalents de tarification du carbone.

En plus du système de vente aux enchères, certaines unités seraient allouées gratuitement. Cette stratégie permettrait de réduire le coût moyen du carbone tout en maintenant un plafonnement strict des émissions, de façon à atténuer les risques de fuite de carbone. Ces unités gratuites seraient attribuées en fonction du rendement plutôt que sur la base des niveaux d’émission historiques afin d’éviter de créer des incitatifs à réduire la production et d’éliminer les barrières à l’entrée. Dans le cadre du système de plafonnement et d’échange, certaines installations pourraient également utiliser une quantité limitée de crédits compensatoires de carbone reconnus pendant une période définie. Cette option offrirait davantage de souplesse le temps que les installations s’adaptent au nouveau plafond. La première étape clé de la mise en œuvre consisterait à préparer et à finaliser les règlements en vertu de la LCPE.

Tarification spéciale du carbone pour le secteur pétrolier et gazier en vertu de la LTPGES

Cette option repose sur l’incitation à de nouvelles réductions d’émissions par la modification du modèle fédéral pour la tarification de la pollution par le carbone. Ce dernier est actuellement garanti par un filet de sécurité sur la tarification du carbone en vertu de la LTPGES; ainsi, les provinces peuvent soit mettre en œuvre leur propre système de tarification du carbone qui respecte le modèle, soit adopter le filet de sécurité fédéral.

i cette option de plafonnement est choisie, le modèle devra être modifié de façon à fixer des critères spécifiques au secteur pétrolier et gazier, notamment un prix sur le carbone applicable à ce dernier, qui serait évalué tous les cinq ans. Toutefois, ce prix spécifique s’appliquerait seulement si les systèmes de tarification du carbone en place à l’échelle de l’économie se révélaient insuffisants pour atteindre la trajectoire du plafond d’émissions.

À l’instar de l’option de plafonnement et d’échange, certaines installations pourraient être autorisées à utiliser une quantité limitée de crédits compensatoires de carbone pour une période définie de façon à satisfaire aux obligations de conformité. Au nombre des étapes clés de la mise en œuvre figureraient la modification de la LTPGES, la mise à jour du modèle fédéral pour la tarification de la pollution par le carbone et la refonte des systèmes de tarification fédéral, provinciaux et territoriaux.

Application du plafond

Le gouvernement a défini certains paramètres qui s’appliqueront à un éventuel plafond, peu importe la structure sous-jacente qui sera adoptée. Le plafond d’émissions du secteur pétrolier et gazier s’appliquera aux émissions directes provenant de la production pétrolière et gazière en amont. Le gouvernement n’a pas encore déterminé si le plafond s’appliquera aux émissions des raffineries de pétrole et des gazoducs. Il ne s’appliquera toutefois pas à la distribution de gaz naturel, aux oléoducs ni aux utilisations finales. Le plafond couvrirait tous les GES déclarés dans le Rapport d'inventaire national du Canada résultant de la production pétrolière et gazière en amont, y compris le dioxyde de carbone et le méthane.

Impacts sur le secteur pétrolier et gazier

La mise en place d’un plafond d’émissions aura des incidences sur le secteur pétrolier et gazier, notamment la hausse des coûts de conformité. Non seulement ce secteur sera soumis à des exigences potentiellement plus strictes que les autres secteurs, mais l’incompatibilité du plafond proposé avec d’autres régimes réglementaires créera un marché distinct pour les crédits de carbone, ce qui aura inévitablement pour effet d’augmenter le coût de ces derniers.

Un autre impact est l’incertitude réglementaire. Le plafond proposé devra être mis en œuvre à l’échelle fédérale et à l’échelle provinciale avec des modifications pour les provinces qui souhaitent mettre en place un système équivalent au modèle fédéral. On ignore comment chacune décidera de satisfaire aux nouvelles exigences du plafonnement et si ces dernières influeront sur l’équivalence des systèmes.

Demande de contributions

Le gouvernement sollicite des commentaires sur ces options de plafonnement d’émissions. Pour ce faire, il a inclus à son document de travail une série de questions de discussions subdivisées en grandes thématiques. Les commentaires doivent être soumis par écrit d’ici le 30 septembre 2022.

Les auteurs désirent remercier Mary Barger, stagiaire, pour son aide dans la préparation de cette actualité juridique.



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