L’actualité aborde les modifications proposées par le ministre du Travail dans le projet de loi no 19 visant notamment à interdire, sous réserve d’exceptions, le travail effectué par des enfants de moins de 14 ans et à encadrer le travail des enfants de 16 ans et moins assujettis à l’obligation de fréquentation scolaire.

Le 28 mars dernier, le ministre du Travail a présenté à l’Assemblée nationale le projet de loi no 19, Loi sur l’encadrement du travail des enfants. Ce projet de loi vise à modifier la Loi sur les normes du travail (la « LNT ») ainsi que la Loi sur la santé et la sécurité du travail (la « LSST ») afin de baliser le recours aux jeunes travailleurs, notamment en raison de la hausse du nombre de lésions professionnelles chez les jeunes et des répercussions sur leur réussite scolaire.

Dès le 18 avril prochain, la Commission de l’économie et du travail tiendra des consultations particulières afin d’entendre les points de vue de divers organismes concernés par le projet de loi no 19. Ainsi, il se peut que le projet de loi soit modifié à la suite de ces consultations.

Le présent billet vise donc à renseigner les employeurs sur les principaux changements législatifs encadrant le travail des enfants dans le projet de loi tel que déposé le 28 mars dernier. Notez toutefois que ce dernier n’est pas encore en vigueur.


Interdiction de travailler pour les moins de 14 ans

Rappelons qu’à l’heure actuelle, contrairement à la législation fédérale et à celle d’autres provinces canadiennes, il n’existe pas d’âge minimal pour travailler au Québec. Le travail des enfants de moins de 14 ans n’est subordonné qu’au consentement écrit du parent préalablement à l’embauche (article 84.3 LNT). Le travail doit par ailleurs être proportionné à leurs capacités et ne pas être susceptible de compromettre leur éducation ou de nuire à leur santé (article 84.2 LNT).

Le projet de loi propose de modifier l’article 84.3 LNT pour y ajouter l’interdiction « de faire effectuer un travail par un enfant de moins de 14 ans, sauf dans les cas et aux conditions déterminés par règlement ». Le ministre du Travail suit ainsi la recommandation du Comité consultatif du travail et de la main-d’œuvre dont il avait sollicité l’avis à ce sujet.

Certaines exceptions limitées

Le Règlement sur les normes du travail (le « Règlement ») prévoira des cas d’exception où un enfant de moins de 14 ans sera autorisé à travailler. Parmi les modifications proposées, on retrouve notamment les exceptions suivantes :

  • l’enfant qui travaille à titre de créateur ou d’interprète dans certains domaines artistiques;
  • le gardien d’enfant et le livreur de journaux;
  • l’enfant qui effectue de l’aide aux devoirs;
  • l’enfant qui travaille dans une entreprise familiale qui compte moins de 10 salariés lorsqu’il est l’enfant de l’employeur, du conjoint de l’employeur, ou d’un administrateur ou d’un associé lorsque l’employeur est une personne morale ou une société;
  • l’enfant qui travaille dans un organisme à but non lucratif sportif ou à vocation sociale ou communautaire, tel qu’une colonie de vacances.

Dans les deux dernières situations, le travail de l’enfant devra être effectué sous la supervision d’un adulte.

D’autres exceptions pourraient être intégrées au Règlement à la suite des consultations menées par la Commission de l’économie et du travail.

Le consentement des parents est nécessaire

Dans l’une ou l’autre de ces situations exceptionnelles, l’employeur devra obtenir le consentement écrit du titulaire de l’autorité parentale ou du tuteur au moyen d’un formulaire établi par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail. Ce formulaire indiquera les principales tâches, le nombre maximal d’heures de travail par semaine et les périodes de disponibilité de l’enfant. Toute modification à l’un de ces paramètres devra faire l’objet d’un nouveau consentement écrit.

Qu’advient-il des travailleurs de moins de 14 ans actuellement à l’emploi?

Dans la mesure où aucune exception ne serait applicable, l’employeur ayant à son emploi un enfant de moins de 14 ans devra lui transmettre un avis écrit de cessation d’emploi au plus tard 30 jours suivant la date de sanction de la loi. La durée de l’avis dépendra de la durée du service continu de l’employé :

  • 3 mois à moins de 1 an : 1 semaine;
  • 1 an à 2 ans : 2 semaines; et
  • 2 ans ou plus : 3 semaines.

L’employeur pourra continuer à lui faire effectuer un travail durant cette période, ou lui verser une indemnité compensatrice équivalente à son salaire habituel au moment de la cessation d’emploi.

Limitation du nombre d’heures de travail hebdomadaires pour les enfants de 16 ans et moins

À l’heure actuelle, il est interdit de faire travailler un enfant assujetti à l’obligation de fréquentation scolaire1 durant les heures de classe (article 84.4 LNT) ainsi que la nuit entre 23 h et 6 h (article 84.6 LNT).

Le projet de loi prévoit ajouter l’interdiction pour un employeur de faire travailler un tel enfant plus de 17 heures par semaine et plus de 10 heures du lundi au vendredi. Cette interdiction ne s’appliquera toutefois pas à toute période de plus de 7 jours consécutifs où aucun service éducatif n’est offert à l’enfant.

Changements en matière de santé et sécurité

Le projet de loi propose des modifications en matière de santé et de sécurité qui viennent s’ajouter aux changements aux mécanismes de prévention et de participation de la LSST qui entreront en vigueur à une date ultérieure en vertu de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (la « LMRSST »).

L’employeur aura l’obligation de prendre en compte les risques pouvant affecter plus particulièrement la santé et la sécurité des travailleurs de 16 ans et moins lors de l’identification et de l’analyse des risques devant être effectuée. Ceux-ci devront être inclus au programme de prévention de l’employeur.

Points à retenir

En ce moment, le projet de loi no 19 n’est pas en vigueur. Toutefois, certains secteurs comptant sur les jeunes travailleurs, surtout dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, pourraient être grandement touchés par son adoption éventuelle.

Les employeurs ont donc intérêt à anticiper les actions à poser pour se conformer à leurs nouvelles obligations. Dans sa mouture actuelle, le projet de loi obligerait les employeurs à prendre notamment les actions suivantes :

  • la transmission d’un avis de cessation d’emploi aux travailleurs de moins de 14 ans qui ne sont pas visés par une exception, dans les 30 jours suivant l’adoption de la loi;
  • l’obtention du consentement du titulaire de l’autorité parentale, dans les 30 jours suivant l’adoption de la loi;
  • la limitation des heures de travail hebdomadaires des travailleurs de 16 ans et moins, dès le 1er septembre 2023; et
  • la prise en compte des risques spécifiques aux travailleurs de 16 ans et moins dans le cadre des mécanismes de prévention et de participation applicables aux employeurs du Québec en vertu de la LMRSST.

En cas de non-respect de ces nouvelles règles, les employeurs pourraient s’exposer à des amendes pouvant aller jusqu’à 12 000 $ en cas de récidive.

Nous vous tiendrons donc informés de tout développement à survenir dans le cadre du processus d’adoption de ce projet de loi.

L’autrice désire remercier Louis-Gabriel Girard, stagiaire en droit, pour son aide dans la préparation de cette actualité juridique.


Notes

1  

In Quebec, a child is subject to compulsory school attendance from the age of six until the end of the school year in which he or she turns 16 or obtains a high school diploma.



Personnes-ressources

Associé principal
Associé
Associé

Publications récentes

Abonnez-vous et restez à l’affût des nouvelles juridiques, informations et événements les plus récents...