Le 16 avril 2025, la Cour d’appel du Québec a rejeté l’appel de Martin Dionne contre Hexo Corp. (« Hexo ») et Sébastien St-Louis, son ancien chef de la direction, confirmant la décision de la Cour supérieure de refuser l’autorisation d’une action collective en matière de valeurs mobilières1.
Deux principales allégations d’information fausse ou trompeuse sont au cœur de cet appel :
- La première concerne une entente d’approvisionnement quinquennale intervenue entre Hexo et la SQDC (Société québécoise du cannabis) qui était assortie d’une clause d’achat ferme de 20 000 kg de cannabis pendant la première année.
- La deuxième porte sur le statut de la licence pour l’installation appelée Bloc B de Newstrike Brands Ltd., dont Hexo a fait l’acquisition et qui s’est révélée plus tard ne pas être sous licence.
La décision de la Cour supérieure
La Cour supérieure, présidée par la juge Silvana Conte, a rejeté la demande d’autorisation d’exercer une action collective, jugeant qu’il n’y avait aucune possibilité raisonnable d’obtenir gain de cause quant aux réclamations faites en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières et du Code civil du Québec. La Cour a conclu que les déclarations d’Hexo au sujet de l’entente avec la SQDC ne représentaient pas des garanties de revenus et que le problème de licence pour le Bloc B ne constituait pas un fait important pour les activités commerciales d’Hexo et les investisseurs. La juge Conte a souligné qu’Hexo avait décrit avec exactitude la clause d’achat ferme dans l’entente avec la SQDC et qu’elle n’avait pas induit les investisseurs en erreur en leur faisant croire que les revenus étaient garantis. De plus, la Cour a indiqué que le marché du cannabis était un marché nouveau et volatil et qu’un investisseur raisonnable saurait que des engagements contractuels pouvaient ne pas nécessairement donner lieu à des revenus annoncés.
L’analyse de la Cour d’appel
La Cour d’appel a maintenu la décision de la Cour supérieure. Elle n’a trouvé aucune erreur dans l’application de la loi par le tribunal de première instance ni dans son appréciation de la preuve. La Cour a souligné que les déclarations alléguées en cause au sujet de l’entente avec la SQDC représentaient une description exacte des conditions de l’entente et ne garantissaient pas de revenus.
En outre, la Cour a reconnu que le problème de licence pour le Bloc B ne représentait pas un fait important compte tenu de l’impact limité de l’installation sur les activités générales d’Hexo et du fait que le marché savait déjà que les activités de l’installation de Niagara étaient suspendues. La juge Marcotte, pour la majorité, a souligné que la preuve de l’expert de l’appelant n’avait aucunement établi que l’absence de licence avait eu un effet important sur le prix des actions d’Hexo; de plus, le contexte plus large des activités de la société de même que les conditions du marché appuyaient la conclusion voulant que ce problème ne représentait pas un fait important.
L’opinion dissidente
Le juge Bachand a émis une opinion en partie dissidente, soutenant que la juge de première instance avait commis une erreur manifeste et déterminante en rejetant la réclamation de l’appelant à titre d’investisseur du marché secondaire concernant l’absence de licence pour le Bloc B de Newstrike. Le juge Bachand estimait que le rapport d’expertise apportait une preuve crédible établissant un lien entre la baisse de 10,2 % du prix des actions d’Hexo et la divulgation du problème de licence, justifiant une analyse plus poussée à l’étape du procès. Le juge Bachand a souligné que l’importance de l’absence de licence devait être évaluée en fonction de la forte réaction du marché et que l’appelant avait présenté une analyse plausible appuyée par des éléments de preuve crédibles. Il a soutenu que l’affaire devait faire l’objet d’un procès afin que les conséquences du problème de licence sur les décisions des investisseurs et du prix de l’action d’Hexo puissent être pleinement explorées.
La conclusion
La décision de la Cour d’appel met en lumière l’importance des éléments de contexte et du bon sens pour juger de la présence d’un fait important dans les litiges en matière de valeurs mobilières. Cette décision affirme que ce ne sont pas toutes les modalités contractuelles et tous les problèmes opérationnels qui peuvent constituer des informations fausses ou trompeuses sur des faits importants en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières ou du Code civil du Québec.
La décision souligne également l’examen rigoureux appliqué par les tribunaux dans l’évaluation de la suffisance de la preuve au stade de l’autorisation dans le contexte des actions collectives en matière de valeurs mobilières, faisant en sorte que seules les réclamations ayant une possibilité raisonnable de succès se rendent à l’étape du procès. Cette approche vise à concilier la protection des investisseurs et la nécessité de prévenir les recours injustifiés qui pourraient peser sur les entreprises et le système judiciaire.
À retenir
- Alors que le processus d’autorisation des actions collectives civiles s’apparente trop souvent à une simple formalité, la demande d’autorisation en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières exige une analyse rigoureuse de la part du tribunal. En présentant de la preuve appropriée et en offrant une opposition solide, les défendeurs peuvent l’emporter contre des réclamations injustifiées, évitant ainsi les inconvénients et les coûts associés à une action sur le fond.
- Le tribunal examinera attentivement le contexte et le contenu des prétendues informations fausses ou trompeuses dans les litiges en valeurs mobilières, en tenant compte à la fois des allégations spécifiques de la réclamation et des conditions générales du marché.
- Les preuves d’expert sur le caractère d’importance d’un fait divulgué ou omis doivent être suffisamment liées aux questions spécifiques en cause pour étayer les allégations d’informations fausses ou trompeuses sur des faits importants, démontrant un lien clair entre la fausse information alléguée et son effet sur les décisions des investisseurs.
À noter que Norton Rose Fulbright a réussi à faire abandonner ou rejeter cinq actions collectives différentes traitant essentiellement des mêmes questions aux États Unis (Cour de district des États Unis, district sud de New York et Cour suprême de l’État de New York), en Ontario et au Québec.
Les auteurs ont représenté Hexo Corp. et Sébastien St-Louis à l’encontre desquels une demande introductive d’instance en vertu de l’article 225.4 de la Loi sur les valeurs mobilières du Québec et une demande d’autorisation d’exercer une action collective avaient été présentées, demandes qui ont été rejetées en première instance et en appel.