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Composer avec l’évolution du commerce international et les tarifs douaniers
Incidences de l’évolution de la réglementation commerciale et des risques en matière de conformité
Au Québec, la plupart des gens s’expriment d’abord en français. Le gouvernement provincial a ainsi adopté une loi qui vise à garantir que la population québécoise puisse travailler et faire des affaires en français.
De manière générale, depuis 1977, la Charte de la langue française1 (Charte) reconnaît que le français est la langue officielle dans la province de Québec et énonce que toute personne a le droit que communiquent en français avec elle l’Administration, les services de santé, les entreprises d’utilité publique, les ordres professionnels, les associations de salariés et les entreprises exerçant leurs activités au Québec. Elle donne aussi naissance à l’Office québécois de la langue française (OQLF), chargé de définir et de conduire la politique québécoise en matière d’officialisation linguistique, de terminologie et de francisation de l’Administration et des entreprises. L’OQLF doit également veiller à la conformité avec la Charte, en plus d’évaluer la situation linguistique du Québec et d’en faire rapport au gouvernement au moins une fois aux cinq ans.
En 2022, le gouvernement provincial a engagé une importante réforme à la Charte en adoptant le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (projet de loi n° 96)2. En 2024, il a apporté certaines modifications au Règlement sur la langue du commerce et des affaires, adopté en vertu de la Charte3.
(a) Service et prestation de renseignements aux clients
Selon l’article 5 de la Charte, les consommateurs de biens ou de services ont le droit d’être informés et servis en français. Toute entreprise qui offre des biens ou des services aux consommateurs doit respecter ce droit.
L’article 50.2 précise que l’entreprise qui offre à un public autre que des consommateurs des biens et des services doit l’informer et le servir en français. En vertu des articles 89 et 91, le français et une autre langue peuvent être utilisés ensemble pour informer et servir ces consommateurs. S’il s’agit d’un texte rédigé, la version française doit figurer d’une façon au moins aussi évidente que toute autre langue.
L’article 21.11 indique que les services rendus par une personne morale ou une entreprise à l’intention d’un organisme de l’Administration doivent être en français. De plus, si les services obtenus par l’organisme sont destinés au public, l’organisme doit requérir du prestataire de services qu’il se conforme aux dispositions de la Charte applicables à l’organisme lui-même4.
L’article 57 prévoit que les factures, les reçus, les quittances et les autres documents de même nature doivent être en français. En vertu des articles 89 et 91 de la Charte, ils peuvent être en français et dans une autre langue également, pourvu que la version française figure d’une façon au moins aussi évidente que toute autre langue et qu’elle soit accessible dans des conditions au moins aussi favorables que les autres versions.
(b) Contrats
La Charte exige que certains contrats soient rédigés en français seulement; d’autres peuvent être rédigés en français et dans une autre langue et certains peuvent être rédigés dans une autre langue seulement.
En vertu de l’article 21, tous les contrats (y compris ceux qui s’y rattachent en sous-traitance) conclus par l’Administration, c.-à-d. le gouvernement, les ministères et organismes gouvernementaux, les organismes scolaires et municipaux (les communautés métropolitaines, les sociétés de transport, les municipalités, les arrondissements municipaux, les centres de services scolaires, etc.) et les organismes du réseau de la santé et des services sociaux5, doivent être exclusivement en français. Les écrits qui leur sont relatifs doivent également être rédigés en français6. À titre exceptionnel, les contrats d’emprunt peuvent être rédigés à la fois en français et dans une autre langue. Il en est de même des instruments et des contrats financiers qui ont pour objet la gestion des risques financiers, notamment les conventions d’échange de devises ou de taux d’intérêt, les contrats prévoyant l’achat ou la vente d’une option et les contrats à terme.
Les exigences énoncées à l’article 21 s’appliquent également à tous les écrits transmis à l’Administration pour conclure un contrat avec elle ou qui se rattachent à un contrat auquel est partie l’Administration7. Toutefois, les écrits transmis à un organisme de l’Administration par une personne morale ou une entreprise pour obtenir un permis, une autorisation, une subvention ou une autre forme d’aide financière qui ne figure pas à l’article 21 doivent être rédigés exclusivement en français8.
L’article 55 dispose que les contrats d’adhésion doivent d’abord être fournis à l’adhérent en français9. Les parties à un tel contrat peuvent ensuite décider d’être liées seulement par une version dans une autre langue si telle est la volonté expresse de l’adhérent10. L’article 27.3 du Règlement sur la langue du commerce et des affaires, entré en vigueur le 11 juillet 2024, précise, aux fins de l’article 55 de la Charte, les documents qui sont considérés comme des « documents se rattachant à un contrat d’adhésion », la marche à suivre pour satisfaire l’obligation de remettre une version française d’un contrat d’adhésion dont la conclusion se fait par téléphone ou par un moyen technologique et la version qui prévaut en cas de divergence entre le contrat en français et la version rédigée dans une autre langue.
Les contrats individuels de travail doivent être préparés en français. Toutefois, ils peuvent être rédigés exclusivement dans une autre langue que le français si telle est la volonté expresse des parties. Si un contrat de travail est un contrat d’adhésion, l’employé sera lié seulement par la version de ce contrat dans une autre langue que le français si, après avoir pris connaissance de sa version française, telle est la volonté expresse des parties.
Toute partie qui subit un préjudice en raison de la contravention d’un contrat ou des dispositions d’un contrat à la Charte peut demander à ce que la nullité du contrat ou des dispositions du contrat soit déclarée. Les dispositions d’un contrat qui contreviennent à la Charte peuvent seulement être invoquées contre l’auteur, mais pas par lui.
(c) Publicité commerciale
L’article 58 de la Charte dispose que, sous réserve des exceptions prévues dans la réglementation, l’affichage public et la publicité commerciale doivent se faire en français. Ils peuvent se faire en français et dans une autre langue, pourvu que le français y figure de façon nettement prédominante.
L’expression « de façon nettement prédominante » est actuellement définie dans le Règlement précisant la portée de l’expression « de façon nettement prédominante » pour l’application de la Charte de la langue française11. Toutefois, certaines modifications au Règlement sur la langue du commerce et des affaires qui entreront en vigueur le 1er juin 2025 remplaceront le Règlement précisant la portée de l’expression « de façon nettement prédominante » pour l’application de la Charte de la langue française, qui sera alors abrogé.
Dans l’affichage public et la publicité commerciale qui sont à la fois en français et dans une autre langue, le français figure de façon nettement prédominante lorsque le texte rédigé en français a un impact visuel beaucoup plus important que le texte rédigé dans l’autre langue. Le règlement précise ensuite les conditions auxquelles le texte rédigé en français sera réputé avoir un impact visuel beaucoup plus important :
2. Lorsque les textes rédigés à la fois en français et dans une autre langue sont sur une même affiche, le texte rédigé en français est réputé avoir un impact visuel beaucoup plus important si les conditions suivantes sont réunies :
(1) l’espace consacré au texte rédigé en français est au moins 2 fois plus grand que celui consacré au texte rédigé dans l’autre langue;
(2) les caractères utilisés dans le texte rédigé en français sont au moins 2 fois plus grands que ceux utilisés dans le texte rédigé dans l’autre langue;
(3) les autres caractéristiques de cet affichage n’ont pas pour effet de réduire l’impact visuel du texte rédigé en français.
3. Lorsque les textes rédigés à la fois en français et dans une autre langue sont sur des affiches distinctes et de même dimension, le texte rédigé en français est réputé avoir un impact visuel beaucoup plus important si les conditions suivantes sont réunies :
(1) les affiches sur lesquelles figure le texte rédigé en français sont au moins 2 fois plus nombreuses que celles sur lesquelles figure le texte rédigé dans l’autre langue;,
(2) les caractères utilisés dans le texte rédigé en français sont au moins aussi grands que ceux utilisés dans le texte rédigé dans l’autre langue;
(3) les autres caractéristiques de cet affichage n’ont pas pour effet de réduire l’impact visuel du texte rédigé en français.
4. Lorsque les textes rédigés à la fois en français et dans une autre langue sont sur des affiches distinctes de dimensions différentes, le texte rédigé en français est réputé avoir un impact visuel beaucoup plus important si les conditions suivantes sont réunies :
(1) les affiches sur lesquelles figure le texte rédigé en français sont au moins aussi nombreuses que celles sur lesquelles figure le texte rédigé dans l’autre langue;
(2) les affiches sur lesquelles figure le texte rédigé en français sont au moins 2 fois plus grandes que celles sur lesquelles figure le texte rédigé dans l’autre langue;
(3) les caractères utilisés dans le texte rédigé en français sont au moins 2 fois plus grands que ceux utilisés dans le texte rédigé dans l’autre langue;
(4) les autres caractéristiques de cet affichage n’ont pas pour effet de réduire l’impact visuel du texte rédigé en français.
Le Règlement sur la langue du commerce et des affaires12 prévoit certains cas ou certaines circonstances où l’affichage public et la publicité commerciale doivent se faire uniquement en français ou peuvent se faire sans prédominance du français ou uniquement dans une autre langue. Voici les exemples d’exception les plus pertinents :
Il convient de noter que l’article 58 (selon lequel l’affichage public et la publicité commerciale doivent se faire en français) ne s’applique pas à la publicité véhiculée par des organes d’information diffusant dans une langue autre que le français.
En outre, l’article 58.1 de la Charte, qui entrera en vigueur le 1er juin 2025, prévoit qu’en dépit de l’article 58, dans l’affichage public et la publicité commerciale, une marque de commerce peut être rédigée, même en partie, uniquement dans une autre langue que le français, lorsque, à la fois, elle est une marque de commerce déposée au sens de la Loi sur les marques de commerce (LRC 1985, c T-13) et qu’aucune version correspondante en français ne se trouve au registre tenu selon cette loi. Toutefois, dans l’affichage public visible depuis l’extérieur d’un local, le français doit figurer de façon nettement prédominante, lorsqu’une telle marque y figure dans une telle autre langue.
(d) Publications commerciales
L’article 52 de la Charte dispose que les catalogues, les brochures, les dépliants, les annuaires commerciaux et toute autre publication de même nature, quel qu’en soit le support, doivent être rédigés en français. En vertu des articles 89 et 91 de la Charte, ils peuvent aussi être bilingues, pourvu que la version française y figure d’une façon au moins aussi évidente et dans des conditions au moins aussi favorables que les autres langues.
Le Règlement sur la langue du commerce et des affaires prévoit que les catalogues, les brochures, les dépliants, les annuaires commerciaux et toute autre publication de même nature peuvent être rédigés exclusivement dans une autre langue que le français, à la condition que la présentation matérielle de la version française soit disponible dans des conditions d’accessibilité et de qualité au moins égales à celle rédigée dans une autre langue.
Le Règlement sur la langue du commerce et des affaires permet également que le nom d’une entreprise établie exclusivement hors du Québec ainsi qu’une marque de commerce déposée en application de la Loi sur les marques de commerce (sauf si une version française a été déposée) figurent dans une autre langue que le français dans les catalogues, les brochures, les dépliants, les annuaires commerciaux et toute autre publication de même nature.
D’autres exceptions sont fournies dans ce règlement, concernant par exemple les produits culturels ou éducatifs ainsi que les catalogues, les brochures, les dépliants, les annuaires commerciaux et toute autre publication de même nature relatifs à un congrès, un colloque, une foire ou une exposition, destinés uniquement à un public spécialisé ou restreint.
(e) Sites Web, médias sociaux, publicité en ligne et commerce électronique
Les obligations susmentionnées s’appliquent aussi aux activités et publications en ligne. Toutefois, tous les sites Web et toutes les pages de médias sociaux accessibles dans la province du Québec ne sont pas visés par les exigences de la Charte. Seules les entreprises qui i) n’ont pas d’établissement au Québec et ii) offrent des produits et des services aux consommateurs du Québec doivent s’assurer que leur contenu commercial en ligne respecte les exigences de la Charte.
Concrètement, cela signifie que de telles entreprises doivent veiller à ce qui suit :
(f) Inscriptions sur les produits
L’article 51 de la Charte prévoit que toute inscription sur un produit, son contenant, son emballage, ou tout document ou objet accompagnant ce produit, y compris le mode d’emploi et les certificats de garantie, doit être rédigée en français. La traduction de l’inscription dans une ou plusieurs langues est autorisée, à condition qu’aucune traduction ne l’emporte sur celle qui est rédigée en français ou ne soit accessible dans des conditions plus favorables. Les documents visés à l’article 51 qui sont imposés par une loi, un décret ou un règlement du gouvernement peuvent faire exception à cette règle si les langues de rédaction font l’objet d’une entente fédérale-provinciale, interprovinciale ou internationale (article 56).
Le Règlement sur la langue du commerce et des affaires prévoit certaines exceptions à l’application de l’article 51. Par exemple, l’article 3 de ce règlement dispose qu’une inscription sur un produit (dont une inscription sur son contenant ou sur son emballage, sur un document ou un objet qui l’accompagne, y compris le mode d’emploi et les certificats de garantie) peut être rédigée uniquement dans une autre langue que le français dans les cas suivants :
L’article 7 de ce règlement prévoit également que le nom d’une entreprise établie exclusivement hors du Québec et une marque de commerce déposée en application de la Loi sur les marques de commerce (sauf si une version française a été déposée) peuvent figurer sur un produit uniquement dans une autre langue que le français. La disposition concernant les marques de commerce sera remplacée le 1er juin 2025 par le nouvel article 7.1, selon lequel, si aucune version correspondante en français ne se trouve au registre tenu selon la Loi sur les marques de commerce, une marque de commerce reconnue au sens de cette loi peut être rédigée, même en partie, sur un produit, uniquement dans une autre langue que le français. Toutefois, si un générique ou un descriptif du produit est compris dans cette marque, celui-ci doit figurer en français sur le produit ou sur un support qui s’y rattache de manière permanente.
Le règlement prévoit aussi certaines exceptions concernant, par exemple, les inscriptions sur des produits culturels ou éducatifs, des produits provenant de l’extérieur du Québec et devant être utilisés à des fins médicales, pharmaceutiques ou scientifiques et d’autres types de produits, comme les pneus, les jouets et les jeux, les cartes de vœux, les agendas ou les calendriers non publicitaires.
(g) Noms d’entreprises
Selon les articles 63 et 64 de la Charte, le nom des entreprises doit être en français et un nom en langue française est nécessaire à l’obtention de la personnalité juridique. Ces articles s’appliquent également aux noms déclarés au registre établi conformément à la Loi sur la publicité légale des entreprises16.
Les entreprises constituées à l’extérieur du Québec sans nom en français qui s’immatriculent pour faire des affaires au Québec doivent inscrire un autre nom en français. Toutefois, l’article 67 dispose que « [p]euvent figurer, comme spécifiques, dans le nom d’une entreprise […] les patronymes et les toponymes, les expressions formées de la combinaison artificielle de lettres, de syllabes ou de chiffres ou les expressions tirées d’autres langues ». Ainsi, de tels termes peuvent être utilisés dans un nom d’entreprise et ne l’empêchent pas d’être considéré comme français. Néanmoins, l’article 27 du Règlement sur la langue du commerce et des affaires précise que si un nom d’entreprise comprend une expression tirée d’une autre langue que le français qui est un terme spécifique (c.-à-d. un terme utilisé pour distinguer l’entreprise des autres), cette expression doit s’accompagner d’un générique en langue française. L’exemple couramment donné est le suivant : « Les Cafés Second Cup » dans lequel « Second Cup » est le terme spécifique et « Les Cafés » le générique. Un tel nom est considéré comme une dénomination commerciale française.
L’article 68 de la Charte précise que le nom d’une entreprise peut être assorti d’une version dans une autre langue que le français pourvu que le nom de langue française apparaisse de façon au moins aussi évidente. La Charte indique également que dans l’affichage public et la publicité commerciale, l’utilisation d’une version d’un nom dans une autre langue que le français uniquement est autorisée dans la mesure où l’article 58 de la Charte et ses règlements d’application autorisent l’utilisation d’une version dans une autre langue uniquement dans ce type d’affichage et de publicité. De plus, la Charte autorise l’utilisation d’une version d’un nom dans une autre langue que le français dans des textes ou documents rédigés seulement dans cette langue.
(a) Principes généraux
L’article 4 de la Charte établit que les travailleurs ont le droit d’exercer leurs activités en français. Il s’agit d’un droit linguistique fondamental. La Charte impose des obligations et des interdictions à tous les employeurs, quelle que soit la taille de leur entreprise.
(b) Documentation et communications écrites
Les communications écrites qu’un employeur adresse à son personnel, à une partie de celui-ci, à un travailleur en particulier ou à une association de travailleurs représentant son personnel ou une partie de celui-ci doivent être en français. Cette obligation s’applique même après la fin du lien d’emploi. Toutefois, l’employeur peut communiquer par écrit exclusivement dans une autre langue que le français avec un travailleur lorsque celui-ci lui en a fait la demande.
En vertu des articles 89 et 91 de la Charte, les documents précédemment cités peuvent également être bilingues, à condition que la version française figure d’une façon au moins aussi évidente et dans des conditions au moins aussi favorables que les autres langues.
De plus, les offres d’emploi qui sont diffusées en français et dans d’autres langues doivent être diffusées simultanément et par des moyens de transmission de même nature et atteignant un public cible de taille comparable.
Les employeurs qui décident d’imposer une telle exigence doivent, lorsqu’ils diffusent une offre visant à pourvoir le poste, indiquer les motifs justifiant cette exigence.
(d) Harcèlement
Les employeurs doivent prendre les moyens raisonnables pour prévenir la discrimination ou le harcèlement de tout salarié visé parce qu’il ne maîtrise pas ou peu une langue autre que le français ou parce qu’il a exigé le respect de son droit de travailler en français, ou y mettre fin.
La Charte contient, dans le chapitre V du titre II (articles 135 à 154), une série de dispositions concernant la francisation des entreprises, qui varient selon le nombre de personnes employées dans une entreprise établie dans la province de Québec.
(a) Comité et programme de francisation
L’article 139 de la Charte dispose qu’une entreprise qui, durant une période de six mois, emploie 50 personnes ou plus (seuil rabaissé à 25 personnes ou plus à compter du 1er juin 2025) doit, dans les six mois de la fin de cette période, s’inscrire auprès de l’OQLF . Elle doit, à cet effet, informer l’OQLF du nombre de personnes qu’elle emploie et lui fournir des renseignements généraux sur sa structure juridique et fonctionnelle et sur la nature de ses activités. L’OQLF délivre à cette entreprise une attestation d’inscription. Dans les trois mois de la date de délivrance de cette attestation d’inscription, l’entreprise transmet à l’OQLF une analyse de sa situation linguistique.
Si l’OQLF estime, après examen de l’analyse de la situation linguistique de l’entreprise, que l’utilisation du français est généralisée à tous les niveaux de celle-ci conformément à l’article 141 (voir ci-après), il lui délivre un certificat de francisation. Toutefois, s’il estime que l’utilisation du français n’est pas généralisée à tous les niveaux de l’entreprise, il avise cette dernière qu’elle doit adopter un programme de francisation. Il peut également ordonner la création d’un comité de francisation composé de quatre ou six membres; les articles abordés ci-après concernant les programmes de francisation sont alors applicables, compte tenu des adaptations nécessaires. Les entreprises employant plus de 100 personnes doivent systématiquement se doter d’un comité de francisation chargé de préparer l’analyse linguistique susmentionnée.
La moitié des membres du comité de francisation et de tout sous-comité doivent représenter les travailleurs de l’entreprise. L’autre moitié du comité est désignée par la direction. Les représentants des travailleurs qui sont membres du comité de francisation peuvent, sans perte de salaire, s’absenter de leur travail le temps nécessaire pour participer aux réunions du comité ainsi que pour effectuer toute tâche requise par le comité.
L’entreprise doit fournir à son personnel et à l’OQLF la liste des membres du comité de francisation et de chaque sous-comité ainsi que toute modification à cette liste. La direction de l’entreprise doit aussi permettre la participation du comité aux activités visant à informer le personnel de la mise en œuvre de tout programme de francisation ou de l’évolution de l’utilisation du français dans l’entreprise.
Le comité de francisation doit se réunir au moins une fois tous les six mois et veiller à la rédaction d’un procès-verbal pour chacune de ses réunions. Chacun des membres du comité qui souscrit au procès-verbal doit y apposer sa signature; celui-ci est alors transmis à la direction de l’entreprise et à l’OQLF. Un membre du personnel de l’Office peut assister à toute réunion du comité.
Le comité de francisation a le mandat d’analyser la situation linguistique de l’entreprise et d’en faire rapport à la direction. L’analyse linguistique en question est ensuite transmise à l’OQLF. Après examen de l’analyse linguistique préparée par le comité de francisation, si l’OQLF estime que l’utilisation du français est généralisée à tous les niveaux du cabinet conformément à l’article 141 de la Charte, il lui délivre un certificat de francisation (article 140). Si un certificat de francisation est délivré à l’entreprise, le comité doit s’assurer que l’utilisation du français demeure généralisée à tous les niveaux de l’entreprise selon les termes de l’article 141.
Toutefois, si l’OQLF estime que l’utilisation du français n’est pas généralisée à tous les niveaux de l’entreprise, il avisera cette dernière qu’elle doit adopter un programme de francisation comme le prévoit l’article 141. Ce programme doit être mis au point par le comité de francisation, s’il existe, être transmis à l’OQLF dans les trois mois suivant la réception de l’avis et être approuvé par l’OQLF.
L’article 141 de la Charte dispose de ce qui suit :
141. Les programmes de francisation ont pour but la généralisation de l’utilisation du français à tous les niveaux de l’entreprise, par :
(1) une bonne connaissance de la langue officielle chez les hauts dirigeants, les autres dirigeants, les membres des ordres professionnels et les autres membres du personnel;
(2) l’augmentation, s’il y a lieu, à tous les niveaux de l’entreprise, y compris au sein du conseil d’administration, du nombre de personnes ayant une bonne connaissance de la langue française de manière à en assurer l’utilisation généralisée;
(3) l’utilisation du français comme langue du travail et des communications internes;
(4) l’utilisation du français dans les documents et les outils de travail utilisés dans l’entreprise;
(5) l’utilisation du français dans les communications avec l’Administration, la clientèle, les fournisseurs, le public et les actionnaires sauf, dans ce dernier cas, s’il s’agit d’une société fermée au sens de la Loi sur les valeurs mobilières (chapitre V‐1.1);
(6) l’utilisation d’une terminologie française;
(7) l’utilisation du français dans l’affichage public et la publicité commerciale;
(8) une politique d’embauche, de promotion et de mutation appropriée;
(9) l’utilisation du français dans les technologies de l’information.
Après avoir approuvé le programme de francisation d’une entreprise, l’OQLF lui délivrera une attestation d’application d’un tel programme. L’entreprise doit se conformer aux éléments et aux étapes prévus dans son programme et tenir son personnel informé de son application. Elle doit, en outre, remettre à l’OQLF des rapports sur la mise en œuvre de son programme tous les douze mois. L’entreprise doit également diffuser des renseignements sur son programme de francisation et les rapports sur sa mise en œuvre auprès de son personnel.
Une fois l’application de son programme terminée et si l’OQLF estime que l’utilisation du français est généralisée à tous les niveaux de l’entreprise, il lui délivrera un certificat de francisation (article 145).
Lorsqu’une entreprise a obtenu un certificat de francisation, elle a l’obligation de s’assurer que l’utilisation du français y demeure généralisée à tous les niveaux selon les termes de l’article 141 de la Charte. Cette obligation est continue et les entreprises doivent remettre tous les trois ans un rapport sur l’évolution de leur utilisation du français à l’OQLF (article 146). Le comité de francisation devra voir à la préparation du rapport triennal. Si l’OQLF estime que l’utilisation du français n’est plus généralisée à tous les niveaux de l’entreprise, il lui ordonnera d’élaborer et de mettre en œuvre un plan d’action pour remédier à la situation.
Enfin, il importe de noter que si une entreprise employant 25 personnes ou plus ne possède pas d’attestation d’inscription, n’a pas fourni l’analyse de sa situation linguistique ou ne possède pas d’attestation d’application de programme ni de certificat de francisation, l’Administration ne peut conclure un contrat avec cette entreprise ou lui octroyer une subvention18.
(b) Exceptions permettant l’utilisation d’une autre langue
Selon l’article 142 de la Charte, les programmes de francisation doivent tenir compte de la situation des personnes qui sont près de la retraite ou qui ont de longs états de service au sein de l’entreprise; des relations de l’entreprise avec l’extérieur du Québec; du cas particulier des sièges et des centres de recherche établis au Québec par des entreprises dont l’activité s’étend hors du Québec et du secteur d’activité de l’entreprise. Dans les entreprises produisant des biens culturels à contenu linguistique, les programmes de francisation doivent également tenir compte de la situation particulière des unités de production dont le travail est directement relié à ce contenu linguistique.
L’article 144 prévoit en outre des ententes particulières entre l’OQLF et les sièges et centres de recherche afin de permettre l’utilisation de l’anglais comme langue de fonctionnement. Il dispose plus précisément de ce qui suit :
144. L’application des programmes de francisation à l’intérieur des sièges et des centres de recherche peut faire l’objet d’ententes particulières avec l’Office afin de permettre l’utilisation d’une autre langue que le français comme langue de fonctionnement. Ces ententes sont valables pour une période d’au plus cinq ans, renouvelable.
Le gouvernement détermine, par règlement, dans quels cas, dans quelles conditions et suivant quelles modalités un siège et un centre de recherche peuvent bénéficier d’une telle entente. Ce règlement peut déterminer les matières sur lesquelles certaines dispositions de ces ententes doivent porter.
Tant qu’une telle entente est en vigueur, le siège ou le centre de recherche est réputé respecter les dispositions du présent chapitre.
Le Règlement de l’Office québécois de la langue française sur la définition de « siège » et sur la reconnaissance des sièges pouvant faire l’objet d’ententes particulières avec l’Office19 définit le terme « siège » de manière restrictive, en le limitant à certains types de postes occupés par des personnes physiques (sans renvoyer à l’établissement dans son ensemble) :
2. Suivant les termes de la Loi et du présent règlement, on entend par « siège » les postes qu’occupent les personnes physiques chargées, à l’échelle pancanadienne ou internationale, des activités de la direction générale, des directions fonctionnelles ou des directions de service de l’ensemble d’une entreprise, ou de son bureau principal lorsque le siège de l’entreprise se trouve à l’extérieur du Canada.
Les membres du conseil d’administration ainsi que les cadres, leurs adjoints et le personnel affectés aux activités de la direction générale, des directions fonctionnelles ou des directions de service de l’ensemble de l’entreprise ou de son bureau principal font également partie du siège.
4. Tout siège établi au Québec par une entreprise dont l’activité s’étend hors du Québec et dont la moyenne des revenus bruts, au cours des 3 années précédant la demande, provient directement ou indirectement pour plus de 50% de l’extérieur du Québec a droit, sur demande écrite de l’entreprise, d’être reconnu comme pouvant faire l’objet d’une entente.
5. Toute entreprise dont l’activité s’étend hors du Québec et dont la moyenne des revenus bruts, au cours des 3 années précédant la demande, provient pour moins de 50% de l’extérieur du Québec peut demander par écrit à l’Office que son siège établi au Québec soit reconnu comme pouvant faire l’objet d’une entente si l’entreprise ne peut se conformer, dans l’exécution de son programme de francisation à l’intérieur de son siège, à l’un des éléments de programme énoncés à l’article 141 de la Loi, malgré qu’il soit tenu compte des articles 142 et 143 de la Loi, à cause de l’une des raisons suivantes:
(a) la fréquence de ses relations avec l’étranger;
b) la complexité des techniques qu’elle utilise;
c) ses besoins en personnel spécialisé;
d) les incidences que l’application de son programme de francisation à l’intérieur de son siège peut avoir sur sa position concurrentielle.
6. Aux fins des articles 4 et 5, lorsqu’un siège est établi au Québec depuis moins de 3 ans par une entreprise dont l’activité s’étend hors du Québec, la moyenne des revenus bruts est calculée pour la période précédant la demande.
7. Aux fins des articles 4 et 5, l’entreprise doit, préalablement à sa demande, avoir complété l’analyse de sa situation linguistique.
L’article 3 du Règlement précisant la portée des termes et des expressions utilisés à l’article 144 de la Charte de la langue française et facilitant sa mise en œuvre20 prévoit des « ententes particulières » avec l’OQLF.
3. Au premier alinéa de l’article 144 de la Loi, l’expression « ententes particulières » signifie les accords négociés entre l’Office et une entreprise visant à autoriser l’utilisation d’une autre langue que le français comme langue de fonctionnement du siège de cette entreprise tout en comportant des dispositions relatives aux points suivants :
(a) l’utilisation du français au Québec dans les communications avec la clientèle, les fournisseurs, le public, ainsi qu’avec les actionnaires et les détenteurs d’autres titres;
(b) l’utilisation du français dans les communications avec les dirigeants et le personnel des établissements de l’entreprise au Québec;
(c) l’utilisation du français dans les communications reliées aux liens contractuels existant entre l’entreprise et les employés du siège;
(d) l’utilisation du français dans l’affichage interne dans les lieux où travaillent les personnes faisant partie du siège;
(e) l’augmentation à tous les niveaux du nombre de personnes ayant une bonne connaissance de la langue française;
(f) l’utilisation progressive d’une terminologie française;
(g) l’adoption d’une politique d’embauche, de promotion et de mutation appropriée à l’utilisation du français;
(h) les causes de modification, de suspension ou d’annulation de l’entente.
Comme le montrent les dispositions ci-dessus, une entente avec l’OQLF concernant les personnes faisant partie du « siège » ne peut être conclue qu’à certaines conditions et si l’entreprise a procédé à l’analyse de sa situation linguistique. Elle doit être négociée entre l’OQLF et l’entreprise. En vertu du Règlement de l’Office québécois de la langue française sur la définition de « siège » et sur la reconnaissance des sièges pouvant faire l’objet d’ententes particulières avec l’Office21, le personnel faisant partie du « siège » se limite aux personnes qui occupent des postes au titre desquels elles sont chargées, à l’échelle pancanadienne ou internationale, des activités de la direction générale, des directions fonctionnelles ou des directions de service de l’ensemble d’une entreprise. Les chercheurs et les personnes affectées à la direction, à la conception et à l’exécution des activités de recherche et de développement font également partie du siège. Dans le cas des entreprises qui sont établies au Québec depuis moins de trois ans, une telle entente avec l’OQLF peut uniquement être conclue si les conditions suivantes ont été remplies :
(c) Technologies de l’information et de communication
Les ressources en ligne de l’OQLF indiquent que le matériel informatique, comme les claviers, imprimantes, télécopieurs et autres périphériques utilisés par les employés dans la province de Québec doivent présenter des inscriptions, des boutons de commande, des touches et un affichage électronique en français. L’équipement doit également être conçu pour donner accès à tous les signes diacritiques (accents, cédilles et trémas).
L’OQLF a compétence pour examiner les questions se rapportant à des cas de non-respect de la Charte et il peut, de sa propre initiative ou à la suite du dépôt d’une plainte, procéder à des inspections et à des enquêtes. L’OQLF a le droit d’accéder aux données continues dans les appareils électroniques et les systèmes informatiques qui se trouvent sur les lieux d’une entreprise.
Si l’OQLF constate un manquement à la Charte, il peut, en vertu de l’article 177, ordonner à celui qui en est l’auteur soit de s’y conformer, soit de cesser d’y contrevenir, dans le délai qu’il indique. Une entreprise visée par une telle ordonnance dispose de 30 jours pour la contester devant le Tribunal administratif du Québec (Tribunal), qui peut confirmer ou informer l’ordonnance.
En vertu de l’article 205 de la Charte, le non-respect d’une ordonnance rendue par l’OQLF constitue une infraction pénale qui peut donner lieu à une amende de 3 000 $ à 30 000 $. Les personnes morales s’exposent à une amende pouvant aller de 10 000 $ à 250 000 $ en cas de représailles contre une personne qui a communiqué avec l’OQLF concernant un éventuel manquement à la Charte ou a collaboré à une enquête de l’OQLF, ou en cas de menaces de représailles afin de dissuader la personne de communiquer avec l’OQLF ou de collaborer avec lui.
Les montants minimal et maximal des amendes sont portés au double pour une première récidive et au triple pour toute récidive additionnelle. Lorsqu’une infraction se poursuit durant plus d’un jour, elle constitue une infraction distincte pour chaque jour durant lequel elle se poursuit. En outre, les montants minimal et maximal de l’amende sont le double lorsqu’une infraction est commise par un administrateur ou par un membre de la haute direction d’une personne morale. Par ailleurs, en l’absence de preuve de diligence raisonnable, les administrateurs d’une personne morale seront présumés responsables de l’infraction commise par la personne morale.
L’OQLF peut également demander à la Cour supérieure du Québec de prononcer une injonction relative à un manquement présumé à la Charte. La Cour peut notamment, à la demande de l’OQLF, ordonner que soient enlevés ou détruits, dans un délai de huit jours à compter de sa prise d’effet, les affiches, les annonces ou les panneaux-réclame qui contreviennent à la Charte, et ce, aux frais du destinataire de l’ordonnance.
Enfin, l’OQLF transmettra à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) toute plainte concernant i) des représailles à l’encontre des employés qui ne parlent que le français; ii) des faits de discrimination ou de harcèlement dans les milieux de travail à l’encontre d’employés qui ont une maîtrise limitée d’une autre langue que le français ou qui demandent le respect de leurs droits linguistiques fondamentaux; et iii) l’imposition de l’obligation de connaître une autre langue que le français pour conserver leur poste ou en obtenir un.
Si de nombreuses modifications à la Charte apportées par le projet de loi n° 96 sont déjà entrées en vigueur, certaines ne devraient pas prendre effet avant le 1er juin 2025, tandis que d’autres ont été suspendues jusqu’à ce que la Cour supérieure du Québec rende un jugement définitif.
Certaines de ces modifications sont entrées en vigueur le 11 juillet 2024; les modifications restantes prendront effet le 1er juin 2025 parallèlement aux articles correspondants de la Charte modifiés par le projet de loi n° 96.
Ces exigences s’accompagnent de certaines exceptions, notamment en ce qui a trait aux contrats utilisés dans les relations avec l’extérieur du Québec. De plus, ces exigences s’appliquent uniquement aux contrats d’adhésion, et non aux contrats de gré à gré (même s’ils contiennent des clauses types imprimées).
LRC 1985, c T-13. Le projet de loi n° 96 a durci l’exigence à cet égard en restreignant l’exception existante aux marques de commerce déposées. Cette exigence entrera en vigueur le 1er juin 2025. D’ici là, en vertu du régime actuel, une marque de commerce reconnue (qu’elle soit déposée ou non) peut figurer sur un produit dans une autre langue que le français uniquement s’il n’existe pas de version française déposée de la même marque de commerce.
N.B. Le Règlement sur la langue du commerce et des affaires doit être mis à jour compte tenu de l’adoption de grandes réformes à la Charte (projet de loi n° 96) en mai 2022. En date de juillet 2022, ce règlement autorise toujours aux marques de commerce de figurer dans une autre langue que le français, à condition qu’il s’agisse de « marques de commerce reconnues ». Toutefois, nous prévoyons que cette disposition sera modifiée, de sorte que seules les « marques de commerce déposées » pourront figurer dans une autre langue que le français à la suite de l’adoption de la même modification dans la Charte (articles 51.1 et 58.1).
Publication
Incidences de l’évolution de la réglementation commerciale et des risques en matière de conformité
Publication
Le 11 septembre dernier, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) et l’Autorité des marchés financiers (AMF) ont publié un rapport conjoint relativement à la résilience des institutions financières face aux risques climatiques (Rapport).
Publication
Le 8 septembre dernier marquait l’entrée en vigueur de plusieurs articles de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail (LAAPD) ainsi que du mandat confié à la Banque du Canada en matière de supervision des fournisseurs de services de paiement (FSP).
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