En septembre 2025, la Cour d’appel de l’Ontario a maintenu l’acquittement de Damodar Arapakota1, marquant ainsi la première interprétation par une cour d’appel de l’alinéa 3(1)a) de la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers (LCAPE). S’exprimant pour la majorité, la juge Gomery a fourni d’importantes lignes directrices concernant la signification des expressions « en contrepartie de » et « avantage dans le cours de ses affaires », deux éléments fondamentaux de l’infraction de corruption d’agents publics étrangers prévue par la LCAPE.


Contexte

M. Arapakota est le fondateur et l’ancien chef de la direction d’Imex Systems Inc., une entreprise canadienne de développement de logiciels. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a accusé M. Arapakota de corruption d’un agent public étranger, en violation de l’alinéa 3(1)a) de la LCAPE. Selon la Couronne, M. Arapakota avait organisé et financé des vacances familiales d’une valeur de 40 000 $ pour le M. Kereteletswe, un fonctionnaire botswanais, en échange de lettres du gouvernement du Botswana confirmant son intention d’attribuer un contrat à Imex. 

Décision du tribunal de première instance

La Cour supérieure de justice de l’Ontario a acquitté M. Arapakota, ce qui constitue le tout premier acquittement jamais prononcé dans une affaire faisant l’objet de poursuites en vertu de la LCAPE. Notre actualité de 2023 fournit davantage de détails sur la décision rendue dans le cadre du procès.

La juge de première instance a conclu que M. Arapakota avait octroyé un avantage important à un agent public étranger, en planifiant et en finançant à l’avance diverses dépenses liées à un voyage à Orlando pour M. Kereteletswe et sa famille. Cependant, la Couronne n’a pas réussi à prouver que cet avantage avait été conféré en contrepartie des lettres du gouvernement du Botswana. La juge de première instance a en outre conclu que les lettres n’équivalaient pas à un avantage économique matériel pour les intérêts de l’entreprise de M. Arapakota, au sens de l’alinéa 3(1)a) de la LCAPE. 

Décision de la Cour d’appel 

La Couronne a porté l’acquittement en appel, faisant valoir que la juge de première instance avait mal interprété les termes de l’alinéa 3(1)a) et n’avait pas évalué les éléments de preuve dans leur ensemble. 

S’exprimant au nom de la majorité, la juge Gomery a affirmé que, pour aboutir à une condamnation en vertu de l’alinéa 3(1)a) de la LCAPE, la Couronne doit prouver, hors de tout doute raisonnable, que la personne accusée :

  • a, directement ou indirectement, donné, offert ou convenu de donner ou d’offrir un prêt, une récompense, un bénéfice ou un avantage;
  • à un agent public étranger, ou à toute personne au profit de l’agent public étranger;
  • dans le but d’obtenir ou de conserver un « avantage dans le cours de ses affaires »; et
  • « en contrepartie » d’un acte ou d’une omission dans le cadre de l’exécution des fonctions officielles de cet agent.

« En contrepartie de » : la précision n’est pas requise dans l’analyse de la contrepartie

S’appuyant sur la jurisprudence relative aux dispositions du Code criminel en matière de lutte contre la corruption interne qui contiennent des termes similaires2, la majorité a interprété l’expression « en contrepartie de » comme signifiant que la personne accusée doit avoir reçu, ou a au moins envisagé de recevoir, une contrepartie. L’avantage doit avoir été offert dans l’attente que l’agent public étranger agisse ou s’abstienne d’agir au titre de ses fonctions ou de ses attributions. La majorité a souligné que le libellé de l’alinéa 3(1)a) s’écarte de celui de l’alinéa 3(1)b), qui n’exige pas de la Couronne qu’elle prouve l’existence d’une contrepartie et qui, par conséquent, couvre un « champ d’application sans doute plus large ».

La majorité a estimé que la juge de première instance avait commis une erreur en exigeant la preuve d’un lien entre l’avantage offert ou accordé à un agent public étranger et un acte ou une omission spécifique de la part de cette personne. La majorité a clarifié que l’acte ou l’omission en question n’avait pas à être spécifique, et que la Couronne n’était pas tenue de démontrer que la personne accusée avait prévu précisément l’acte ou l’omission qu’elle chercherait à obtenir ou recevrait en échange du pot-de-vin. Il suffit à la Couronne de prouver que la personne qui offre ou verse le pot-de-vin a reçu ou a au moins envisagé de recevoir une contrepartie sous la forme d’un acte ou d’une omission de la part de l’agent dans l’exercice de ses fonctions. 

La majorité a constaté que l’erreur d’appréciation de la juge de première instance dans son interprétation de l’expression « en contrepartie de » n’a pas eu d’incidence significative sur l’issue du procès; en effet, la juge de première instance n’a commis aucune erreur dans son analyse des éléments de preuve ni dans son interprétation de l’expression « avantage dans le cours de ses affaires », deux éléments qui auraient conduit à un acquittement.

« Avantage dans le cours de ses affaires » : avantage économique important ou tangible

La majorité a confirmé l’interprétation de l’expression « avantage dans le cours de ses affaires » donnée par la juge de première instance. Pour établir la responsabilité, la Couronne doit démontrer que la personne accusée, en offrant ou en versant un pot-de-vin, avait l’intention de recevoir, ou a reçu, un avantage important pour ses intérêts commerciaux. Un « avantage dans le cours de ses affaires » ne désigne pas n’importe quel avantage; il doit s’agir d’un avantage non négligeable et tangible. La majorité s’est rangée à la conclusion de la juge de première instance, selon laquelle il n’y avait pas suffisamment de preuves pour établir que les lettres équivalaient à un avantage significatif ou à un bénéfice pour les intérêts des affaires de M. Arapakota.

Cependant, la majorité a souligné qu’il n’est pas nécessaire de démontrer que la personne accusée prévoyait un acte ou une omission spécifique de la part d’un agent public, au moment où le pot-de-vin a été offert ou donné.

Principaux points à retenir

La décision rendue par la Cour d’appel dans l’affaire Arapakota apporte des éclaircissements importants quant au seuil de responsabilité prévu à l’alinéa 3(1)a) de la LCAPE. Cette clarification est un élément clé pour définir les limites de la responsabilité dans les affaires de corruption. Comme l’a souligné la majorité, la responsabilité est presque toujours déterminée sur la base de déductions tirées de preuves circonstancielles. 

La décision souligne également l’importance d’examiner des allégations de corruption dans leur contexte intégral. Les enquêtes internes continueront de constituer un moyen de taille à la disposition des entreprises, afin de leur permettre de gérer les risques et de veiller au respect des lois anticorruption.

Les auteur·rices tiennent à remercier Manreet Brar, stagiaire, pour son aide dans la préparation de la présente actualité juridique.


Notes

1  

R. v. Arapakota, 2025 ONCA 660.

2   Alinéa 121(1)a) du Code criminel



Personnes-ressources

Associé principal, chef canadien, Droit pénal des affaires, réglementation et enquêtes
Associé
Associé
Associé
Avocate senior

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