La Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST) a reçu la sanction il y a près d’un an, soit le 6 octobre 2021.

Parmi les nombreuses modifications imposées par cette législation, plusieurs entreront en vigueur un an après sa sanction, soit le 6 octobre 2022.

Conséquemment, nous avons recensé ci-après les principaux changements auxquels les employeurs devraient porter une attention particulière cet automne.


Assignation temporaire d’un travail

L’employeur d’une travailleuse ou d’un travailleur qui a subi une lésion professionnelle doit dorénavant utiliser le formulaire de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la « CNESST ») aux fins d’une assignation temporaire.

L’assignation temporaire est autorisée si le professionnel de la santé qui a charge du travailleur croit que :

  • le travailleur est raisonnablement en mesure d’accomplir ce travail;
  • ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique et psychique du travailleur en raison de sa lésion;
  • ce travail est favorable à sa réadaptation.

L’employeur doit recevoir un avis favorable du professionnel de la santé qui a charge du travailleur afin de procéder à l’assignation temporaire. Notons également que l’employeur a l’obligation de transmettre le formulaire à la CNESST même si l’avis du professionnel de la santé n’est pas favorable à l’assignation proposée. Le refus d’assignation temporaire ne pourra toujours pas être contesté par l’employeur.

Le professionnel de la santé qui a charge indiquera dorénavant dans le formulaire ses constatations quant aux limitations fonctionnelles physiques ou psychiques temporaires du travailleur.

De plus, lorsqu’un employeur offre à un travailleur une assignation temporaire qui comporte un nombre d’heures inférieur à celui de son emploi habituel, l’employeur doit alors indiquer sur le formulaire d’assignation temporaire l’option qu’il choisit pour le versement du salaire et il doit en informer la CNESST avant le début de l’assignation temporaire.

À cet égard, deux (2) options s’offrent à l’employeur :

  • Il peut verser au travailleur les mêmes salaire et avantages que ceux dont il aurait bénéficié n’eût été la lésion professionnelle :
    • Il est à noter que, dans cette éventualité, l’employeur dispose de quatre-vingt-dix (90) jours après la fin de chaque période de paie pour demander à la CNESST un remboursement correspondant au salaire net versé pour les heures payées, mais non travaillées, jusqu’à concurrence du montant maximal de l’indemnité de remplacement du revenu auquel le travailleur aurait droit sans cette assignation.
  • Sinon, l’employeur peut verser au travailleur les mêmes salaire et avantages, mais uniquement pour les heures travaillées. La CNESST versera alors au travailleur un montant correspondant à l’indemnité de remplacement du revenu pour combler la différence entre le montant de l’indemnité de remplacement du revenu auquel il aurait droit, sans cette assignation, et le salaire net qui lui est versé par l’employeur pour ce travail.

L’option choisie pourra être modifiée une seule fois pour une même assignation temporaire.

Réadaptation avant la consolidation de la lésion

Bien qu’en pratique la réadaptation avant la consolidation existait déjà, elle est maintenant expressément prévue à la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles (la « LATMP »).

À cet égard, lorsque la réclamation est acceptée, la CNESST peut accorder au travailleur des mesures de réadaptation adaptées à son état de santé pour favoriser son retour au travail, et ce, avant la consolidation de sa lésion professionnelle.

L’objectif de ces mesures est notamment de permettre au travailleur de développer sa capacité à reprendre graduellement ses tâches. Des modalités sont prévues pour le paiement du salaire par l’employeur durant cette période. La CNESST doit, avant d’accorder ou de mettre en œuvre une mesure de réadaptation avant consolidation, soumettre celle-ci au professionnel de la santé qui a charge du travailleur, sauf si ladite mesure n’a aucun effet sur l’état de santé du travailleur.

Lorsque la CNESST estime, avant consolidation, que le travailleur pourrait avoir droit à un plan individualisé de réadaptation vu la nature de sa lésion, elle peut lui accorder des mesures de réadaptation dans un autre but que celui de favoriser sa réinsertion professionnelle. Encore une fois, la CNESST doit soumettre ces mesures au professionnel de la santé qui a charge.

Réadaptation après la consolidation de la lésion

Un travailleur qui, en raison d’une lésion professionnelle, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle. À cet effet, la CNESST peut notamment employer des moyens pour offrir au travailleur un domicile, un véhicule ou des équipements de loisirs adaptés à sa condition.

La loi prévoit désormais que, lorsque requise par la CNESST dans la préparation et la mise en œuvre du plan individualisé de réadaptation, l’employeur doit apporter sa collaboration.

De plus, si elle le juge nécessaire, la CNESST peut autoriser un retour progressif au travail, chez l’employeur, pour le travailleur qui conserve ou non une atteinte permanente, et ce, dans le but de faciliter sa réinsertion professionnelle. Si c’est le cas, la CNESST accorde un soutien financier à l’employeur pour une durée maximale de huit (8) semaines. Encore une fois, des modalités sont prévues pour le paiement du salaire par l’employeur durant cette période.

À noter que les mesures relatives à la réadaptation physique seront incluses dans le chapitre V de la LATMP, dédié aux services de santé. Également, des mesures de réadaptation sociale seront déterminées ultérieurement par règlement, ce qui n’est toujours pas le cas en date des présentes.

Indemnité de remplacement du revenu

Dorénavant, le travailleur qui subit une lésion professionnelle alors qu’il est âgé d’au moins soixante (60) ans a droit à l’indemnité de remplacement du revenu complète jusqu’à soixante-cinq (65) ans lorsque :

  • il est incapable d’exercer son emploi chez l’employeur;
  • l’employeur n’a pas d’emploi convenable disponible à lui offrir.

Cette indemnité sera ensuite réduite progressivement jusqu’à l’âge de soixante-huit (68) ans.

Droit au retour au travail

Le travailleur absent de son travail en raison d’une lésion professionnelle :

  • continue d’accumuler de l’ancienneté au sens de la convention collective applicable, le cas échéant, et du service continu au sens de cette convention ou de la Loi sur les normes du travail;
  • continue de participer aux régimes de retraite et d’assurance offerts dans l’établissement, pourvu qu’il paie sa part des cotisations exigibles et que l’employeur assume la sienne.

À partir du 6 octobre 2022, ces paramètres s’appliquent jusqu’à ce qu’une décision de la CNESST dispose de la réintégration du travailleur chez son employeur.

Obligation d’accommodement

Les principes jurisprudentiels relatifs à l’obligation d’accommodement imposée à l’employeur, en faveur de l’employé, sont maintenant intégrés à la LATMP.

Cette modification vient bonifier ce qui était prévu en matière de droit au retour au travail (le « DRAT ») pour faciliter la réintégration d’un travailleur dans son emploi, un emploi équivalent ou un emploi convenable.

D’emblée, l’employeur a un devoir d’accommodement raisonnable conforme aux dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne dans les cas de lésion professionnelle. La LATMP doit donc être interprétée en considérant ce devoir.

Conséquemment, malgré l’existence d’un délai pour l’exercice par le travailleur de son DRAT, l’expiration de celui-ci ne vient pas relever l’employeur de son obligation d’accommodement.

À cet effet, la LATMP introduit deux présomptions :

  • Si le travailleur retrouve sa capacité avant l’expiration du délai de DRAT, cette présomption est absolue, puisque l’employeur est réputé pouvoir réintégrer le travailleur;
  • Dans le cas où le travailleur retrouve sa capacité après l’expiration du délai de DRAT, il s’agit d’une présomption simple, puisque l’employeur est présumé pouvoir réintégrer le travailleur.

Dans tous les cas, l’employeur a donc l’obligation de fournir les renseignements et les documents nécessaires à la détermination de la capacité du travailleur à exercer son emploi, un emploi équivalent ou un emploi convenable. En outre, la CNESST peut ordonner à l’employeur qui refuse de collaborer aux démarches de retour au travail ou de réintégrer le travailleur dans son emploi, un emploi équivalent ou un emploi convenable disponible malgré une décision à cet effet de lui payer une sanction administrative pécuniaire. Cette dernière est équivalente à l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle le travailleur aurait pu avoir droit durant la période où l’employeur a été en défaut. Le montant de la sanction peut atteindre un maximum d’une année d’indemnité de remplacement du revenu.

Il convient de noter que l’employeur ne sera pas obligé de réintégrer le travailleur si cette réintégration lui impose une contrainte excessive. Les paramètres développés par la jurisprudence relative à cette question trouvent également application dans un contexte de lésion professionnelle.

Bureau d’évaluation médicale

La CNESST doit transmettre, sans délai, la contestation et le dossier médical complet du travailleur au Bureau d’évaluation médicale (le « BEM »). Cette modification a pour but de faire en sorte que le dossier médical soit transmis au BEM en même temps que la contestation, ce qui n’était pas le cas avant.

À cet égard, lorsque le membre du BEM se prononce sur la date de consolidation, il doit dorénavant se prononcer sur l’existence de limitations fonctionnelles et sur le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du travailleur. Cependant, il n’a pas l’obligation de se prononcer sur ces sujets si des raisons médicales l’en empêchent. Il doit toutefois expliquer ces raisons dans son avis.

Enfin, lorsque le membre du BEM est d’avis que la lésion ne nécessite plus de soins ni de traitements, il peut se prononcer sur la date de consolidation, auquel cas il devra traiter également des limitations fonctionnelles et du pourcentage d’atteinte permanente.



Personnes-ressources

Associé principal
Avocate senior
Avocate senior
Associé

Publications récentes

Abonnez-vous et restez à l’affût des nouvelles juridiques, informations et événements les plus récents...