Le gouvernement du Québec intervient pour favoriser les véhicules automobiles à zéro émission

Mondial Publication Août 2016

Cela fait déjà un certain temps que l’industrie de l’automobile s’y prépare. Le gouvernement du Québec a finalement choisi d’intervenir également par voie législative afin de favoriser le développement d’un parc automobile électrique québécois.

À cet effet, le ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, monsieur David Heurtel a déposé le projet de loi 104, Loi visant l’augmentation du nombre de véhicules zéro émission au Québec afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et autres polluants, le 2 juin 2016 devant l’Assemblée Nationale du Québec. Ce projet de loi, dont l’objectif est de contribuer à augmenter le nombre de véhicules automobiles à zéro émission et à les rendre plus accessibles, prévoit différentes mesures visant à inciter les constructeurs automobiles à élargir l’offre de véhicules électriques sur le marché québécois. Ces mesures, qui s’inscrivent dans le cadre du Plan d’action en électrification des transports 2015-2020 (PAET) du gouvernement du Québec, prévoient notamment l’établissement d’un système de crédits et de redevances applicables à la vente ou à la location de véhicules automobiles neufs, crédits qui pourront être accumulés par la vente ou la location de véhicules neufs respectant les trois critères suivants (le gouvernement pourra en ajouter d’autres par règlement) :

  1. ils sont mus entièrement ou en partie au moyen de l’énergie électrique;
  2. la batterie ou, s’il y a lieu, la pile qui alimente le moteur électrique servant à mouvoir le véhicule doit être rechargeable au moyen d’une source externe au véhicule;
  3. ils doivent apparaître dans la liste publiée annuellement par le ministre à la Gazette officielle du Québec.

La cible à atteindre par chacun des constructeurs pour ces crédits qui seront cumulables, sera calculée selon un pourcentage déterminé par règlement du gouvernement, appliqué au nombre total de véhicules légers vendus ou loués par ces constructeurs. Mentionnons que le gouvernement pourra, par règlement, classer les constructeurs automobiles visés par catégories. En somme, il s’agira pour les constructeurs automobiles d’accumuler des crédits par la vente ou la location de véhicules automobiles neufs à zéro émission, de faire une déclaration annuelle au gouvernement du Québec et, à défaut d’avoir pu cumuler les crédits requis, de payer une redevance, le tout tel que plus amplement décrit plus bas. Retenons que les concessionnaires automobiles ne sont pas visés par ce projet de loi.

D’ailleurs, ces crédits pourront être vendus ou cédés (aliénation à titre onéreux ou gratuit) par un constructeur automobile visé par la loi à un autre, laquelle vente ou cession devra être déclarée au ministre par chaque partie au contrat. À noter que, bien que le projet de loi 104 vise les constructeurs automobiles qui vendent ou louent plus de 4 500 véhicules automobiles neufs en moyenne pour trois années modèles consécutives, les autres constructeurs automobiles (qui vendent ou louent moins de 4 500 véhicules automobiles neufs par année) peuvent aussi accumuler des crédits et les vendre par la suite.

En plus d’attribuer différents pouvoirs au ministre, le projet de loi 104 dans sa mouture actuelle prévoit le paiement de redevances (les paramètres, règles de calcul, conditions et modalités seront prévus par règlement) par les constructeurs automobiles qui n’auront pas accumulé suffisamment de crédits. De plus, un régime de sanctions administratives pécuniaires, semblable à celui existant en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement, est introduit. Un montant de 1 000 $ par jour pourra ainsi être imposé à un constructeur automobile ayant fait défaut de fournir un renseignement ou document exigé. D’autres manquements pouvant donner lieu à une sanction administrative pécuniaire pourraient être prévus par règlement. Des dispositions pénales sont également prévues (pouvant aller jusqu’à 600 000 $ en cas de défaut de fournir un renseignement et 1 500 000 $ en cas d’entrave, de tromperie ou de fausses déclarations, ces amendes étant doublées et triplées en cas de récidive) à l’encontre de ceux qui omettront de s’y plier. Plus important encore, le projet de loi 104 prévoit que lorsqu’un constructeur automobile, un agent, un mandataire ou un employé de celui-ci commet une infraction à la loi ou à ses règlements, l’administrateur ou le dirigeant de ce constructeur automobile est lui aussi présumé avoir commis lui-même cette infraction, à moins qu’il ne soit en mesure d’établir qu’il a fait preuve de diligence raisonnable.

Le projet de loi 104 prévoit également la création d’un registre dans lequel le ministre inscrira différents renseignements prévus par règlement que les constructeurs automobiles auront l’obligation de déclarer ainsi que le nombre de crédits alloués audit constructeur automobile, notamment sur la base des renseignements transmis. Le gouvernement pourrait déterminer par règlement les renseignements contenus dans ce registre qui auront un caractère public. La création d’un registre de renseignements relatifs aux sanctions administratives pécuniaires et d’un registre de renseignements relatifs aux déclarations de culpabilité, les deux ayant un caractère public, est également prévue.

L’année modèle 2018 sera la première année pour laquelle l’obligation d’accumuler des crédits sera applicable et pour laquelle des redevances pourraient être exigées, alors que le ministre établira pour la première fois le nombre de crédits accumulés par un constructeur automobile le 1er juin 2019, lesquels crédits comprendront les ventes et locations de véhicules neufs pour les années modèles 2016 et 2017.

Les sommes versées en application de cette loi ou de l’un de ses règlements seront portées au crédit du Fonds vert conformément à l’article 15.4 de la Loi sur le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs.

Rappelons finalement que, dans le cadre du Plan d’action en électrification des transports 2015-2020 (PAET), lequel prévoit différents autres incitatifs, le Québec s’est fixé une cible de 100 000 véhicules branchables immatriculés d’ici 2020, comme le rappelait le ministre dans son communiqué de presse à l’occasion du dépôt du projet de loi 104.

À titre comparatif, signalons que le gouvernement de l’Ontario a choisi d’intervenir pour l’instant simplement par voie d’encouragement financier afin de promouvoir la vente et l’accessibilité des véhicules électriques à batterie et des véhicules électriques hybrides rechargeables. Il a mis sur pied le 10 février 2016 une nouvelle version de son Programme d’encouragement pour les véhicules électriques (PEVE), lequel prévoit différentes subventions pour faciliter l’achat ou la location d’un véhicule neuf admissible. En outre, plusieurs États américains, comme la Californie, ont d’ores et déjà adopté différentes normes et mesures relatives aux véhicules automobiles zéro émission.

Nous suivrons avec attention l’évolution du projet de loi 104, les consultations particulières ayant débuté le 16 août dernier, et surtout la façon dont le gouvernement du Québec en appliquera les dispositions, étant donné que les pouvoirs attribués au ministre sont particulièrement larges et que plusieurs questions demeurent en suspens (Quelles seront les cibles? Quelles seront les redevances? Comment seront appliquées les amendes?). 

Aussi, il sera intéressant de voir si les cibles établies permettront ou non à certains constructeurs de vendre à d’autres leurs crédits accumulés, ce qui ne manque pas de rappeler le marché du carbone mis sur pied par le gouvernement du Québec toujours dans l’optique de la lutte aux changements climatiques.



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