Une question fait l’objet de débats persistants : les sociétés devraient-elles continuer d’organiser leurs assemblées d’actionnaires virtuellement, revenir à un format en personne ou adopter une approche hybride?

Les autorités canadiennes en valeurs mobilières ainsi que diverses agences de conseil en matière de vote par procuration et organisations spécialisées en gouvernance ont récemment publié des lignes directrices en faveur de la tenue d’assemblées d’actionnaires en ligne et en personne, plutôt que seulement en personne. Ce format hybride est jugé optimal, car il permet aux actionnaires d’interagir directement avec la direction et le conseil tout en donnant la possibilité à ceux et celles qui n’auraient pas pu se déplacer de participer à distance. Toutefois, cette solution suppose d’engager des coûts et de prévoir une logistique (comprenant les déplacements) pour les deux formats en question, ce qui peut s’avérer difficile à justifier selon le taux de présence et de participation des actionnaires.


Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) : Les ACVM ont publié des indications actualisées sur les assemblées d’actionnaires virtuelles en février dernier. Reconnaissant que la tenue des assemblées d’actionnaires est principalement régie par le droit des sociétés et par les documents constitutifs de l’émetteur assujetti, elles ont largement circonscrit leurs indications à la communication appropriée de l’information concernant la logistique d’accès, de participation et de vote aux assemblées virtuelles. Toutefois, contrairement aux indications qu’elles avaient publiées en février 2022, les ACVM recommandent désormais que les émetteurs envisagent de tenir leurs assemblées d’actionnaires à la fois virtuellement et en personne.

Coalition canadienne pour une bonne gouvernance (CCGG) : La CCGG a publié en janvier dernier une politique sur les assemblées d’actionnaires virtuelles (Virtual Shareholder Meeting Policy) dans laquelle elle déconseille fortement de ne tenir ces assemblées que virtuellement, car cela pourrait [TRADUCTION] « limiter les voix des actionnaires et avoir des répercussions négatives sur leur capacité à exercer leur droit de vote et à s’exprimer directement devant le conseil d’administration ».

Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (RREO) : Le RREO a fait part de sa préférence pour un format hybride depuis la publication de ses Principes du vote par procuration 2022. Bien qu’il reconnaisse que la technologie utilisée pour tenir des assemblées virtuelles offre un moyen sûr de les organiser et favorise l’inclusion des actionnaires, le RREO craint que les assemblées qui se dérouleraient virtuellement uniquement ne fassent l’objet d’un contrôle excessif de la part de la société.

Glass Lewis (GL) et Institutional Shareholder Services (ISS) : GL a apporté une légère modification à ses lignes directrices en matière de vote par procuration pour l’année 2024 en ce qui concerne les assemblées virtuelles. GL indique depuis plusieurs années qu’il pourrait recommander de voter contre le président du comité de gouvernance si la société en question tient une assemblée virtuelle uniquement et ne communique pas de manière adéquate dans sa circulaire de sollicitation de procurations l’information concernant les droits et occasions de participation des actionnaires. Ce qui change en 2024, c’est que GL pourrait également émettre une recommandation de vote défavorable si l’information communiquée est ambiguë ou si la société indique que les participants virtuels ne jouissent pas de toutes les protections énoncées dans les lignes directrices de GL. ISS, pour sa part, n’a pas publié de nouvelles lignes directrices depuis sa publication liée à la COVID en avril 2020.

The Globe and Mail : The Globe and Mail a publié ses critères d’évaluation aux fins de l’édition 2024 de ses « Board Games » en janvier dernier. Un nouveau critère y a été ajouté concernant les assemblées des actionnaires virtuelles. Les sociétés qui tiennent des assemblées hybrides recevront un point, mais aucun ne sera attribué si l’assemblée se déroule uniquement en personne ou virtuellement. 

Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) : Faisant écho aux politiques susmentionnées, le MÉDAC a pris position contre la tenue d’assemblées des actionnaires exclusivement virtuelles. Chaque année, l’organisation montréalaise présente diverses propositions d’actionnaire aux sept plus grandes banques du Canada ainsi qu’à plusieurs grandes sociétés. Cette année, il est notamment proposé que les assemblées annuelles d’actionnaires se tiennent en personne et que les assemblées virtuelles puissent s’y ajouter à titre complémentaire, sans remplacer les assemblées en personne. 

Indications des ACVM ainsi que des agences de conseil en matière de vote par procuration et des organisations spécialisées en gouvernance

Voici les recommandations formulées par les ACVM, la CCGG, le RREO et GL concernant les assemblées virtuelles :

  • Facilitation de la participation des actionnaires : Les assemblées devraient favoriser le plus possible l’inclusion et la participation des actionnaires. Les actionnaires devraient être en mesure de communiquer entre eux de même qu’avec le conseil d’administration et la direction. Ils devraient être capables de voter, de présenter des motions, de soulever des objections, de s’exprimer pendant la période où les propositions d’actionnaires sont présentées et de poser des questions (y compris des questions de suivi des participants) en temps réel, sans surveillance ou filtrage préalable de la direction.
  • Droits de participation comparables : Les participants virtuels devraient bénéficier des mêmes possibilités de voter, de s’exprimer et de poser des questions que s’ils participaient à l’assemblée en personne.
  • Accès et instructions de vote : L’information fournie dans la circulaire de sollicitation de procurations et les documents reliés aux procurations devrait contenir des instructions d’inscription, d’authentification et de vote complètes, détaillées et transparentes. Celles-ci devraient être formulées en langage simple, facile à comprendre. Un soin particulier devrait être apporté au processus de participation des propriétaires véritables afin de s’assurer qu’il n’est pas trop onéreux et ne comprend pas d’étapes superflues.
  • Procédures transparentes en matière de questions-réponses : Les émetteurs devraient fournir de l’information sur les procédures pour envoyer ou poser des questions avant et/ou pendant l’assemblée et sur la façon dont ces questions seront traitées pendant l’assemblée (ou après s’il n’y a pas suffisamment de temps pour les traiter pendant l’assemblée). Les participants virtuels devraient être en mesure de poser des questions sans avoir à les soumettre à l’avance. Toutes les questions devraient trouver réponse. Si elles ne peuvent pas être toutes traitées pendant l’assemblée par manque de temps, les questions restantes devraient être affichées, assorties de leur réponse, dans un délai de 72 heures suivant la tenue de l’assemblée. 

    Toute ligne directrice connexe, y compris les questions de restriction de temps ou les règles entourant le type de questions autorisées, devrait être communiquée aux actionnaires à l’avance. Veuillez noter que les ACVM ne précisent plus, dans leurs indications, que l’émetteur et le président de l’assemblée peuvent, comme c’est le cas dans les assemblées en personne, exercer une certaine discrétion sur les questions qui seront posées pendant l’assemblée et la gestion de leur déroulement.
  • Propositions d’actionnaires : Si des propositions d’actionnaires sont soumises au vote à l’assemblée, l’émetteur devrait se coordonner préalablement avec les instigateurs et s’assurer d’allouer à ces derniers un temps de parole raisonnable pour s’exprimer sur leurs propositions et répondre aux questions qu’elles soulèvent.
  • Technologie accessible : Les émetteurs doivent utiliser une plateforme technologique vidéo qui facilite l’accès virtuel aux actionnaires, le vote et la participation en temps réel. La capacité à assister et à participer à une assemblée des actionnaires ne devrait nécessiter rien de plus que des compétences technologiques de base.
  • Processus et soutien technique : Les émetteurs doivent expliquer comment les actionnaires peuvent obtenir de l’aide en cas de difficultés au moment de l’inscription, de l’authentification et du vote.
  • Caméra : Les personnes qui prennent la parole, qu’il s’agisse d’administrateurs ou d’actionnaires, devraient s’exprimer devant une caméra pour que les participants virtuels puissent les voir.
  • Présence des administrateurs : À tout le moins, le chef de la direction, le président du conseil, l’administrateur principal (s’il y a lieu) et les présidents de comité devraient être présents et visibles par tous les participants virtuels.
  • Président : Le président de l’assemblée doit bien connaître les règles et procédures qui la régissent et exercer son pouvoir discrétionnaire pour assurer le respect des principes de transparence et de reddition de comptes auprès des actionnaires. De plus, il doit posséder l’expérience et les connaissances nécessaires pour utiliser la plateforme technologique choisie.

Nouveauté en 2024 : GL pourrait recommander de voter contre le président du comité de gouvernance si l’information communiquée par la société est jugée ambiguë ou si la société révèle que les actionnaires qui participent virtuellement à l’assemblée ne bénéficient pas des protections susmentionnées.

 


Personnes-ressources

Associée, directrice principale, gestion du savoir et développement de la pratique
Associé principal, chef canadien, Gouvernance
Associée
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Associé

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