La présente actualité juridique aborde les plus récentes tendances et nos recommandations concernant les pratiques en matière d’environnement, de responsabilité sociale et de gouvernance (ESG). Nous prévoyons qu’en 2024, les composantes « environnement », « responsabilité sociale » et « gouvernance » prendront une importance accrue. La mise en œuvre de la surveillance des questions d’ESG suscitant de plus en plus d’intérêt, la présente actualité présente également les principales stratégies que les émetteurs peuvent envisager lors de l’attribution et de l’exécution des responsabilités de surveillance.

Pour préparer la présente actualité, nous avons examiné l’information la plus récente communiquée par les émetteurs de l’indice TSX 60, comme nous l’avons fait ces deux dernières années. Veuillez noter que tout écart entre 2021, 2022 et 2023 devrait être interprété avec prudence, puisque la composition de l’indice TSX 60 a changé au fil des ans.


Événements récents

Surveillance des questions d’ESG

Les investisseurs nord-américains et les agences de conseil en vote continuent de demander une surveillance plus rigoureuse des questions d’ESG par le conseil et ses comités. Par exemple, dans son examen des pratiques de gouvernance des émetteurs canadiens, Glass Lewis indique quels comités relevant du conseil sont chargés de surveiller les questions d’ESG et peut recommander de voter contre le président du comité de gouvernance d’un émetteur de l’indice TSX 60 qui omet de divulguer le rôle du conseil dans la surveillance des questions d’ESG1. D’autres parties prenantes continuent d’adopter une approche plus ciblée et voteront, par exemple, contre le président d’un comité responsable de la surveillance des questions climatiques lorsque le conseil n’a pas démontré une prise en compte adéquate du sujet2.

En outre, la méthodologie qui sera utilisée dans le cadre de l’édition 2023 des Board Games de The Globe and Mail tiendra compte de la responsabilité du conseil en matière d’environnement, les meilleures notes étant attribuées aux émetteurs qui précisent le ou les comités du conseil chargés de leur politique climatique et/ou décrivent de quelle manière et à quelle fréquence d’autres comités du conseil se penchent sur des enjeux climatiques. Soulignons également que les émetteurs n’obtiendront pas de points à cet égard dans le sondage des Board Games si les responsabilités des comités en question sont décrites de manière vague, par exemple par « ESG » ou « environnement »; l’information fournie doit porter expressément sur le climat, les responsabilités devant être décrites au moyen de termes ou d’expressions comme « changements climatiques », « réchauffement climatique », « gaz à effet de serre » ou « carbone »3.

En 2022, notre analyse a confirmé que, sur 60 émetteurs de l’indice TSX 60, 54 (90 %) avaient signalé que la tâche de surveiller les questions d’ESG avait été dévolue à leur conseil et/ou à au moins un de ses comités. Cette proportion est passée à 58 sur 60 (97 %) en 2023.

Lorsqu’il est question de surveillance des questions d’ESG par les comités, la tendance dominante reste de déléguer cette responsabilité soit à des comités de gouvernance (ou à leur équivalent), soit à des comités « spécialisés », tels un comité ESG, un comité de durabilité ou un comité sur l’environnement, la santé, la sécurité et le développement durable. Parmi les 57 émetteurs qui ont indiqué que les questions d’ESG avaient été surveillées par un comité en 2023 (51 en 2022), que ce soit en plus ou à la place de leur conseil, 23 avaient confié la surveillance des questions d’ESG à plusieurs comités (15 en 2022). Nous constatons également qu’une proportion non négligeable de conseils d’administration, soit ceux de 35 émetteurs sur 60 (58 %), confient à leur comité de gouvernance des responsabilités quant aux questions d’ESG. Seul un conseil d’administration (4 en 2022) conserve l’entière surveillance des questions d’ESG. Le tableau suivant présente un sommaire de nos conclusions :

  Nombre d’émetteurs de l’indice TSX 60
Surveillance des questions d’ESG 2022  2023 
Conseil seulement  4 1
Comité de gouvernance (ou l’équivalent) 28  35
Comité « spécialisé » 18  20
Comité d’audit 15
Comités multiples (y compris les comités susmentionnés, selon le cas) 15  23 
     

Une analyse des pratiques des émetteurs de l’indice TSX 60 montre que 87 % d’entre eux nomment leurs administrateurs ou divulguent la composition de leur conseil en fonction d’une grille qui comprend une combinaison de critères ESG, y compris, entre autres, la diversité et l’inclusion, incluses dans 20 % des grilles de compétences des émetteurs de l’indice TSX 60. Notons que la méthodologie qui sera utilisée dans le cadre de l’édition 2023 des Board Games de The Globe and Mail tiendra compte de l’inclusion par l’émetteur d’expertise en matière de climat dans les « compétences requises » de la grille de son conseil et de la présence d’au moins un administrateur ayant de l’expertise en matière de climat.

Au nombre des facteurs susceptibles d’influencer les émetteurs dans leur décision de confier au conseil dans son ensemble ou à un de ses comités la responsabilité de la surveillance des questions d’ESG figurent :

  • l’étendue des responsabilités stipulées dans les chartes du conseil et des comités et leur adéquation avec les nouvelles responsabilités en matière d’ESG;
  • l’ensemble des compétences des membres du conseil et de ses comités en matière d’ESG;
  • les caractéristiques des émetteurs qui ont une incidence sur la portée et la fréquence des divulgations en matière d’ESG (voir la rubrique « Mise en œuvre de la surveillance des questions d’ESG » de la présente actualité).
     

Recommandation : Envisagez d’ajouter aux chartes (ou mandats) de votre conseil d’administration et de ses comités des responsabilités de surveillance des questions d’ESG. Modifiez votre grille de compétences pour qu’elle prenne en compte l’expérience et l’expertise en matière d’ESG, y compris l’expertise en matière de climat.

Se préparer à mettre en œuvre les nouvelles exigences liées à la législation sur l’esclavage moderne

Comment nous l’avons mentionné dans notre actualité juridique, le Canada a adopté le projet de loi S-211, Loi édictant la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement et modifiant le Tarif des douanes (Loi sur l’esclavage moderne). Il a reçu la sanction royale en mai dernier et entrera en vigueur le 1er janvier 2024. La Loi sur l’esclavage moderne vise à mettre en œuvre l’engagement international du Canada en matière de lutte contre le travail forcé et le travail des enfants par l’imposition d’obligations en matière de rapports, notamment à certaines entités commerciales inscrites à la cote d’une bourse canadienne qui produisent des marchandises au pays ou ailleurs ou qui importent des marchandises produites à l’extérieur du Canada. Cette loi s’applique aussi aux entités non inscrites à la cote d’une bourse canadienne qui atteignent certains seuils en matière de taille.

La Loi exige qu’au plus tard le 31 mai de chaque année, les entités visées fassent rapport au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile sur les mesures qu’elles ont prises au cours de leur dernier exercice pour prévenir et atténuer le risque relatif au recours au travail forcé ou au travail des enfants à l’une ou l’autre des étapes de la production de marchandises au Canada ou ailleurs ou de leur importation au Canada par l’entité. Les premiers rapports en vertu de la Loi sur l’esclavage moderne devront être produits au plus tard le 31 mai 2024.

Le rapport doit également inclure des renseignements au sujet de l’entité :

  • sa structure, ses activités et ses chaînes d’approvisionnement;
  • ses politiques et ses processus de diligence raisonnable relatifs au travail forcé et au travail des enfants;
  • les parties de ses activités et de ses chaînes d’approvisionnement qui comportent un risque de recours au travail forcé ou au travail des enfants et les mesures qu’elle a prises pour évaluer ce risque et le gérer;
  • les mesures qu’elle a prises pour remédier à tout recours au travail forcé ou au travail des enfants;
  • les mesures qu’elle a prises pour remédier aux pertes de revenus des familles les plus vulnérables engendrées par toute mesure visant à éliminer le recours au travail forcé ou au travail des enfants dans le cadre de ses activités et dans ses chaînes d’approvisionnement;
  • la formation donnée à ses employés sur le travail forcé et le travail des enfants;
  • la manière dont elle évalue l’efficacité de ses efforts pour éviter le recours au travail forcé et au travail des enfants dans le cadre de ses activités et dans ses chaînes d’approvisionnement.
     

Les rapports seront conservés dans un registre électronique qui sera accessible au public. Le ministre a également le pouvoir discrétionnaire de préciser les modalités selon lesquelles les rapports doivent être produits, mais ne l’a pas encore fait.

Le rapport des sociétés canadiennes inscrites à la cote d’une bourse canadienne doit être approuvé par leur corps dirigeant, qui devrait normalement être leur conseil d’administration. Les sociétés doivent rendre publics leurs rapports, notamment en les publiant à un endroit bien en vue de leur site Web.

Les entités constituées en personnes morales sous le régime fédéral, y compris celles constituées sous le régime de la Loi canadienne sur les sociétés par actions ou la Loi sur les banques, sont également tenues de remettre à leurs actionnaires leur rapport en même temps que leurs états financiers annuels. Ainsi, nombreuses sont les entités constituées en personnes morales sous le régime fédéral qui devront en réalité remettre leur rapport avant la date butoir du 31 mai.

La Loi accorde des pouvoirs d’enquête considérables aux personnes désignées par le ministre et ce dernier dispose d’un pouvoir étendu pour obliger une entité à prendre toutes les mesures qu’il juge nécessaires pour assurer le respect de la Loi.

Toute personne ou entité qui ne se conforme pas à la Loi sur l’esclavage moderne (y compris en omettant de préparer un rapport ou de rendre public un rapport, en omettant de prêter assistance dans le cadre d’une enquête, en entravant une enquête ou en omettant de se conformer à un arrêté prévoyant des mesures correctives) commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende de plus de 250 000 $. Toute personne ou entité qui, sciemment, fait une déclaration fausse ou trompeuse ou fournit un renseignement faux ou trompeur au ministre ou à la personne désignée par le ministre commet également une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de 250 000 $. 

De plus, en cas de perpétration par une personne ou une entité d’une infraction à la Loi sur l’esclavage moderne, tout administrateur, dirigeant ou mandataire de la personne ou de l’entité qui l’a ordonnée ou autorisée, ou qui y a consenti ou participé, est considéré comme un coauteur de l’infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité, la peine prévue, que la personne ou l’entité ait été ou non poursuivie ou déclarée coupable.

Recommandation : Les émetteurs dont la chaîne d’approvisionnement présente un risque important ont peut-être déjà commencé à exercer la diligence voulue et à produire des rapports, mais les nombreuses entités qui ne se sont pas encore penchées sur les problèmes potentiels liés à l’esclavage moderne se retrouveront vraisemblablement assujetties à la Loi sur l’esclavage moderne. Compte tenu de la potentielle responsabilité des administrateurs et des dirigeants et de l’échéance de remise des rapports en vertu de cette nouvelle législation prévue dans moins d’un an, il serait avisé de revoir vos politiques en matière de gouvernance, d’établir le plan de votre chaîne d’approvisionnement, d’évaluer les domaines de risque et d’examiner toute lacune et toute stratégie d’atténuation des risques.

« Diversification » des attentes et exigences en matière de diversité 

Comme nous l’avons indiqué dans notre publication sur la saison des procurations 2023, un des principaux changements au cours des dernières années concernant les attentes des investisseurs en matière de diversité est la modification apportée par l’Institutional Shareholder Services (ISS) à ses lignes directrices sur le vote, de telle sorte qu’à compter du 1er février 2024, les sociétés de l’indice composé S&P/TSX devront avoir au moins un administrateur issu de la diversité sur le plan racial ou ethnique. Aux termes de sa nouvelle politique, l’ISS peut recommander de voter contre le président du comité responsable des candidatures au conseil d’administration ou, s’il n’existe une telle personne, contre le président du conseil d’administration, lorsqu’un émetteur ne se conforme pas à cette ligne directrice.

Dans l’intervalle, comme nous l’avons mentionné dans notre actualité juridique, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont invité le public à formuler ses commentaires sur la possibilité d’accroître les obligations d’information sur la diversité au sein des conseils d’administration et parmi les membres de la haute direction afin de viser des groupes identifiés, outre les femmes (consultation). La consultation porte sur deux modèles proposés différents, chacun étant approuvé par différentes autorités de réglementation provinciales. Les autorités de réglementation de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, de la Saskatchewan et des Territoires du Nord-Ouest ont suggéré un modèle qui obligerait un émetteur à communiquer son approche en matière de diversité à l’égard du conseil d’administration et de la haute direction, sans avoir à fournir de l’information sur des groupes précis, à l’exception des femmes. Il appartiendrait à l’émetteur de déterminer quels seraient les groupes dont la représentation au sein de son conseil ou parmi sa haute direction seraient visés par sa stratégie en matière de diversité.

La Commission des valeurs mobilières de l’Ontario préfère l’approche de la communication d’information sur la diversité récemment adoptée en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) et a suggéré un modèle qui imposera la communication d’information sur la représentation au sein des conseils d’administration et parmi la haute direction de cinq groupes désignés, à savoir les femmes, les Autochtones, les personnes racisées, les personnes handicapées et les personnes de la communauté LGBTQ2SI+. Les autres autorités de réglementation provinciales ne prennent pas position pour le moment.

Des modifications connexes, qui ont été acceptées par tous les membres des ACVM, ont été proposées dans le cadre de la consultation. Elles concernent la présentation de l’information et les indications à suivre sur le renouvellement du conseil et la sélection des candidats au conseil. De nouvelles lignes directrices sur le renouvellement du conseil ont été suggérées dans la consultation, notamment la planification efficace de la relève et l’adoption de mécanismes de renouvellement du conseil, y compris la durée des mandats ou l’utilisation d’une grille de profils pour relever les lacunes dans la composition du conseil.

Pour les candidatures au conseil, le projet de modification exigera la communication de plus d’information sur le repérage et l’évaluation des candidatures par le conseil d’administration, y compris toute politique écrite sur la procédure de sélection des administrateurs et, s’il n’en existe pas, la façon dont le processus de sélection est mené; le mode de gestion des conflits d’intérêts survenant pendant le processus de sélection; l’utilisation ou non d’une grille de profils par le conseil; et l’ensemble des compétences, des connaissances, de l’expérience, des aptitudes et des qualités qui sont prises en compte dans l’évaluation d’une candidature. Les modifications correspondantes fourniraient des lignes directrices modifiées sur le rôle du comité des candidatures et recommanderaient l’adoption d’une grille de profils et d’une politique écrite sur la procédure de sélection des administrateurs.

Le public était invité à formuler ses commentaires sur le projet de modification dont il est question ci-dessus au plus tard le 12 juillet 2023. Les ACVM devraient publier les nouvelles exigences à cet égard au cours de la prochaine année.

Recommandation : Examinez la façon dont le contenu et la présentation de vos politiques en matière de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) et de vos mécanismes de renouvellement concordent avec les attentes en cours d’évolution exprimées par les autorités de réglementation, les investisseurs et les agences de conseil en vote. Envisagez d’ajuster votre grille de compétences pour vous assurer qu’elle est représentative des caractéristiques en matière de diversité qui importent à votre société.

Facteurs d’ESG dans l’établissement de la rémunération des membres de la haute direction

Selon notre examen de la plus récente analyse de la rémunération des émetteurs de l’indice TSX 60, 44 d’entre eux (le même nombre qu’en 2022) prennent en considération jusqu’à un certain point les mesures ESG dans le calcul de la rémunération des membres de la haute direction. Elles peuvent être considérées comme faisant partie de leur régime incitatif à court terme (RICT) ou de leur régime incitatif à long terme (RILT). Les indicateurs de rendement clés (IRC) en lien avec les questions d’ESG les plus fréquemment utilisés par ces émetteurs aux fins de la rémunération comprennent ce qui suit :

 
IRC  RICT RILT Sous-catégories courantes
Environnement 31  14 
  • Changements climatiques
  • Durabilité
  • Biodiversité
  • Réduction des émissions
51,7 % 23,3 %
DEI 23  7 
  • Femmes à des postes de direction
  • Représentation de groupes sous-représentés/méritant l’équité
  • Équité salariale
38,3 % 11,6 %
Santé et sécurité 20  3 
  • Fréquence des accidents
  • Lésions corporelles
33%  5% 
Capital humain 15  5 
  • Engagement du personnel
  • Perfectionnement du personnel 
25%  8,3 %
Aspects communautaires 8  2 
  • Initiatives et relations communautaires
  • Culture
  • Engagement 
13,3 % 3% 
Gouvernance 8  3 
  • Éthique
  • Intégrité
  • Respect des cadres internes et externes 
13,3 % 5% 
Facteurs ESG dans leur ensemble 7  2   
11,6 % 3,3 %

 

Les IRC liés aux questions d’ESG peuvent être pris en considération de manière « autonome », dans le cadre d’un tableau de bord, comme modificateurs de rendement ou comme conditions préalables au paiement de certains montants4. Selon notre analyse de l’information communiquée par les émetteurs de l’indice TSX 60, 39 d’entre eux (65 %) tiennent actuellement compte de ces IRC dans leur RICT et 16 (7 %) les intègrent à leur RILT.

Recommandation : Une fois qu’un conseil d’administration (ou un comité du conseil) a sélectionné les critères ESG pertinents, l’intégration d’IRC en matière d’ESG dans les régimes de rémunération devrait être envisagée.

Présentation d’information liée aux questions climatiques

Le 26 juin 2023, l’International Sustainability Standards Board (ISSB), créé par l’IFRS Foundation, a publié ses deux premières normes sur la durabilité (normes de l’ISSB), l’IFRS S1 et l’IFRS S2, lesquelles portent respectivement sur les obligations générales en matière d’informations financières liées à la durabilité et aux changements climatiques. Les normes de l’ISSB sont largement fondées sur le cadre du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC) et intègrent les normes du Sustainability Accounting Standards Board (SASB); elles sont motivées par un seul objectif ambitieux : établir une base de référence mondiale pour la présentation de l’information liée à la durabilité et aux changements climatiques.

Sous les auspices des Normes d’information financière et de certification Canada, le Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité (CCNID) est récemment devenu opérationnel et collaborera désormais avec l’ISSB en vue de favoriser l’adoption des normes de cet organisme au Canada. Pour en savoir plus sur les normes de l’ISSB, consultez notre récente actualité juridique.

Petit retour en arrière : le 18 octobre 2021, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont proposé le Règlement 51-107 sur l’information liée aux questions climatiques (régime d’information liée aux changements climatiques des ACVM)5. Fondé en grande partie sur les recommandations du GIFCC, le régime d’information liée aux changements climatiques des ACVM cible quatre catégories : i) la gouvernance, ii) la stratégie, iii) la gestion des risques et iv) les mesures et les cibles. Au total, 131 mémoires ont été présentés pendant les consultations publiques, qui ont pris fin le 16 février 20226.

Bien que son entrée en vigueur ait été initialement prévue à partir du 31 décembre 2022, pour diverses raisons – dont la tenue d’une consultation publique étoffée, la publication escomptée des normes de l’ISSB et le dévoilement d’un projet de régime aux États-Unis (voir ci-après), le régime d’information liée aux changements climatiques des ACVM demeure à l’heure actuelle un projet. Le 5 juillet 2023, les ACVM ont diffusé un communiqué de presse affirmant qu’elles « accueill[aient] favorablement » la publication des normes de l’ISSB et « entend[aient] tenir d’autres consultations dans l’objectif d’adopter des normes d’information fondées sur celles de l’ISSB, sous réserve de toute adaptation au contexte canadien jugée nécessaire et appropriée »7. Les ACVM collaboreront avec le CCNID dans le cadre de l’analyse des normes de l’ISSB et feront de nouveau le point sur cette question dans les mois à venir, en offrant possiblement une deuxième mouture de leur régime d’information liée aux changements climatiques.

En mars 2023, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a publié la ligne directrice B-15, Gestion des risques climatiques (ligne directrice B-15)8, qui s’applique aux institutions financières fédérales (IFF). Cette ligne directrice établit les attentes du BSIF relativement à la gestion des risques liés aux changements climatiques par les IFF. Elle porte sur deux questions : i) les attentes en matière de gouvernance et de gestion des risques et ii) la communication d’information financière en lien avec les changements climatiques. Bien que cette dernière soit (également) fondée en grande partie sur les recommandations du GIFCC, il importe de souligner qu’elle comprend une analyse des scénarios climatiques, obligeant les IFF à décrire la résilience de leur stratégie relative aux changements climatiques, en tenant compte de différents scénarios. À l’opposé, les ACVM n’ont pas inclus d’exigence d’analyse de scénarios climatiques dans leur projet de régime d’information liée aux changements climatiques9.

Bien que la ligne directrice B-15 ne soit pas forcément incompatible avec les normes de l’ISSB, le BSIF sera sans doute confronté au même choix que les ACVM en ce qui a trait à l’intégration des concepts de l’ISSB et du CCNID à ses règles actuelles, s’il souhaite les adopter sous une forme ou une autre.

Parallèlement, la Securities and Exchange Commission des États-Unis (SEC) a proposé en mars 2022 de nouvelles règles qui obligeraient les personnes inscrites nationales et étrangères à fournir de l’information liée aux changements climatiques dans leurs déclarations d’inscription et leurs rapports annuels (régime d’information liée aux changements climatiques de la SEC)10

S’il était adopté, le régime d’information liée aux changements climatiques de la SEC obligerait les personnes inscrites à divulguer i) de l’information sur les risques financiers liés aux changements climatiques à court, moyen et long termes, ii) de l’information sur leur gouvernance des risques liés aux changements climatiques et leurs processus de gestion des risques pertinents, iii) leurs émissions de gaz à effet de serre qui, dans certains cas, seraient assujetties à des exigences en matière d’attestation, iv) des critères financiers liés aux changements climatiques et v) de l’information au sujet des cibles, objectifs et plans de transition en matière de changements climatiques. Consultez notre actualité juridique (en anglais) pour une analyse détaillée du régime d’information liée aux changements climatiques de la SEC. En juin 2023, la SEC a mis à jour son calendrier de réglementation fixant la finalisation du régime en question en octobre 202311.

Les sociétés européennes sont aussi sur le qui-vive compte tenu de la récente adoption par la Commission européenne des 12 premières normes européennes d’information en matière de durabilité (NEID), à savoir des règles et exigences en matière de reddition de compte à l’intention des sociétés de l’UE et de certaines sociétés hors de l’UE concernant les incidences, les possibilités et les risques en matière de durabilité aux termes de la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité. Consultez notre récente actualité juridique (en anglais) pour en savoir plus sur les NEID.

En attendant la finalisation et l’entrée en vigueur des initiatives susmentionnées, les principaux émetteurs canadiens continuent de recourir à des cadres de présentation d’information volontaires reconnus à l’échelle mondiale. Le cadre du GIFCC et les normes du SASB figurent au sommet de notre liste de surveillance. Les taux d’adoption de ces modèles phares restent élevés chez les émetteurs de l’indice TSX 60, à 75,0 % et à 88,3 %, respectivement. Le tableau ci-dessous offre un sommaire des données les plus récentes sur l’adoption des principaux cadres d’information standards par les émetteurs de l’indice TSX 60 au cours des trois dernières années :

 Cadre standard Proportion d’émetteurs de l’indice TSX 60 utilisant le cadre standard
2021  2022  2023 
Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC) 66,7 %i) 75,0 %ii) 75,0 %
Sustainability Accounting Standards Board (SASB) 68,3 % 80,0 % 88,3 %
Global Reporting Initiative (GRI) 75,0 % 75,0 % 81,7 %
Carbon Disclosure Project (CDP) 75,0 % 65,0 % 60,0 %

i) Y compris quatre émetteurs en voie d’adoption du cadre.
ii) Y compris un émetteur en voie d’adoption du cadre.

Notons que plusieurs émetteurs canadiens ont adopté et publié des objectifs liés aux changements climatiques, y compris des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ces objectifs sont souvent intégrés sous forme d’énoncés prospectifs dans un certain nombre de documents publics. Depuis notre publication de 2021, dans laquelle nous avions analysé les aspects liés à la responsabilité sur le marché secondaire dans ce contexte précis, plusieurs émetteurs ont amélioré le libellé des mises en garde qui accompagnent leurs énoncés prospectifs afin de mieux présenter les énoncés liés aux changements climatiques. Nous prévoyons que cette tendance sera à la hausse dans les années à venir.

Recommandation : Faites preuve de proactivité en évaluant vos pratiques de présentation de l’information ESG, envisagez de mettre en œuvre des cadres standards reconnus et préparez-vous à l’adoption prochaine de régimes d’information liée aux changements climatiques obligatoires. Ayez conscience des questions de responsabilité potentielle. Assurez-vous que les affirmations en matière d’ESG sont exactes et intégrez des mises en garde prospectives dans la présentation de l’information ESG, s’il y a lieu.

Propositions en matière d’ESG

Les propositions en matière d’ESG ont connu une progression au cours des dernières années au sein des émetteurs de l’indice TSX 60 Les propositions d’actionnaires liées au climat demeurent prédominantes et comprennent des demandes visant à : 

  • adopter un vote consultatif en matière de changements climatiques;
  • divulguer des cibles de réduction des GES fondés sur des données scientifiques, et
  • demander que les parties aux opérations de fusion et acquisition présentent de l’information conformément aux recommandations du GIFCC.

Par ailleurs, une série variée de propositions axées sur les questions sociales ont retenu l’attention des émetteurs de l’indice TSX 60 en 2023, mettant en lumière le besoin croissant d’une surveillance de la part des sociétés d’une vaste gamme d’enjeux de société. Ces propositions comprennent notamment des demandes visant ce qui suit : 

  • publier un rapport sur la présence de femmes au sein de la direction; 
  • commander à un tiers et publier une évaluation de l’équité raciale qui analyse les effets préjudiciables de l’émetteur sur les parties prenantes non blanches et les communautés de couleur; 
  • passer en revue les niveaux de rémunération au sein de la direction par rapport au personnel dans son ensemble et mettre à la disposition du public annuellement le ratio entre le salaire du chef ou de la cheffe de la direction comparativement au salaire médian des employés; 
  • gérer la discrimination financière et offrir un meilleur accès au crédit et à d’autres services financiers afin de s’assurer que toutes les communautés gagnent en résilience économique; 
  • préparer un rapport sur les plans de l’émetteur permettant de détecter, de gérer, d’atténuer et d’éliminer les disparités raciales et l’iniquité raciale au sein de son personnel; 
  • passer en revue ses indicateurs de rendement clés en matière de gestion du capital humain en s’attardant aux droits de la personne au sein de la chaîne d’approvisionnement de l’émetteur et en améliorant la sécurité du personnel et en réduisant les risques en milieu de travail; et 
  • produire des rapports sur la façon dont les politiques, plans et pratiques de l’émetteur concernant la réconciliation avec les peuples autochtones se comparent avec les normes d’exercice externes établies par des Autochtones et sont certifiés par ces dernières.

Les propositions relatives à la gouvernance en 2023 comprenaient des demandes visant à :

  • demander de passer en revue les devoirs du comité de gouvernance et du comité de gestion des risques afin d’y inclure une composante déontologique concernant le recours à l’intelligence artificielle; et
  • examiner le mandat du comité des ressources humaines afin d’y ajouter davantage de responsabilités concernant la santé et le bien-être du personnel.

À noter que bien que l’intérêt des actionnaires envers les propositions en matière d’ESG semble s’accroître, des propositions anti-ESG ont également émergé au Canada sans qu’elles aient bénéficié de trop d’appui cependant (moins de 2 %). De fait, certaines propositions d’actionnaires présentées à des institutions financières canadiennes cherchaient à ce que celles ci s’engagent à continuer d’investir dans le secteur pétrolier et gazier canadien et de le financer et examiner leurs politiques afin de s’assurer qu’aucune n’encourage le désinvestissement du secteur.

Recommandation : Les conseils devraient anticiper les propositions en se penchant à l’avance sur les sujets abordés ci-dessus et faire preuve d’un engagement sincère et actif pendant toute l’année.

Mise en œuvre de la surveillance des questions d’ESG

Comme nous l’avons remarqué l’année dernière, notre examen continu de l’information sur les questions d’ESG présentée par les émetteurs de l’indice TSX 60 nous indique qu’il n’existe pas d’approche universelle quant à la mise en œuvre de la surveillance des questions d’ESG. Certains émetteurs ont mis sur pied des comités au niveau de la direction se composant de membres de la haute direction qui sont responsables de diverses fonctions ESG. En règle générale, ces comités établis au niveau de la direction élaborent et mettent en œuvre la stratégie et le plan d’action en matière d’ESG de l’émetteur et rendent compte au conseil (ou à l’un de ses comités) des progrès réalisés.

Dans le cadre de leurs fonctions de surveillance, le conseil et ses comités devraient recevoir suffisamment d’information pour être en mesure d’évaluer les progrès réalisés dans le cadre de la stratégie ESG par rapport aux objectifs fixés et de surveiller les initiatives ESG en cours et planifiées. Pour ce faire, le conseil ou le principal comité du conseil, de concert avec la direction, devrait comprendre les occasions et risques les plus importants en ce qui a trait aux questions d’ESG et s’entendre sur ceux-ci, et élaborer des critères d’évaluation, comme des mesures et des IRC liés aux questions d’ESG, qui serviront à préparer des rapports à l’intention du conseil ou de ses comités.

La portée et la fréquence des rapports ESG pourraient varier en fonction des caractéristiques particulières de l’émetteur, notamment :

  • la structure de surveillance des questions d’ESG du conseil et l’existence de groupes de travail et de comités établis au niveau de la direction; 
  • la taille de l’émetteur et son secteur d’activité;
  • les exigences réglementaires applicables;
  • l’importance des risques et possibilités en matière d’ESG pour l’émetteur;
  • les préoccupations et priorités des parties prenantes12.

La fréquence des rapports peut également différer selon les divers sujets « E », « S » et « G » surveillés par l’émetteur, puisque chacun peut évoluer à un rythme différent. À titre de pratique exemplaire, les émetteurs pourraient envisager d’utiliser un plan de travail afin de coordonner les rapports soumis au conseil et aux comités du conseil concernant diverses questions d’ESG. Un tel plan de travail devrait être révisé périodiquement pour tenir compte des pratiques exemplaires et des faits nouveaux à l’interne.

Comme nous l’avons mentionné précédemment relativement à la présentation d’information liée aux changements climatiques, les émetteurs devraient tenir compte des incidences en matière de responsabilité sur le marché secondaire lorsqu’ils divulguent leurs politiques et pratiques en matière d’ESG. Une telle communication devrait s’accompagner d’une mise en garde prospective pertinente.

Recommandation : Envisagez d’attribuer des responsabilités de surveillance globale des questions d’ESG à un comité de direction et les tâches connexes aux équipes de direction pertinentes. Cernez les occasions et risques les plus importants en ce qui a trait aux questions d’ESG et élaborez des critères permettant d’évaluer la progression de la stratégie et des initiatives en matière d’ESG. Regroupez les responsabilités en ce qui a trait aux questions d’ESG dans un plan de travail qui servira à instaurer un échéancier de production de rapports à l’intention du conseil et de ses comités. Révisez ce plan de travail périodiquement pour l’adapter aux pratiques exemplaires et aux faits nouveaux à l’interne. Ayez conscience des questions de responsabilité potentielle et accompagnez vos documents publics de mises en garde appropriées.


Notes

1   Veuillez noter que, dans ses lignes directrices, Glass Lewis se concentre sur les critères environnemental et social. Voir : Canada-Voting-Guidelines-2023-GL.pdf (glasslewis.com) (en anglais)

6   Voir le rapport de l’Initiative canadienne de droit climatique : https://ccli.ubc.ca/wp-content/uploads/2022/03/CCLI-Summary-of-submissions-to-CSA.pdf (en anglais)

12   Voir Jurgita Ashley et Randi Val Morrison, « ESG Governance: Board and Management Roles & Responsibilities » (en anglais) (10 novembre 2021); David A. Bell et Ron C. Llewellyn, « Best Practices for Establishing ESG Disclosure Controls and Oversight » (en anglais) (3 février 2022) et Jurgita Ashley et Randi Val Morrison, « ESG Governance: Board and Management Roles & Responsibilities » (en anglais) (10 novembre 2021)



Personnes-ressources

Associée, directrice principale, gestion du savoir et développement de la pratique
Associé principal, chef canadien, Gouvernance
Associée, cocheffe canadienne, Entreprises responsables et durabilité
Associée directrice, bureau de Québec
Associée

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