Dans les dernières heures, nous avons publié une Actualité juridique répondant aux questions les plus fréquemment posées par les employeurs du Québec. 

Depuis, la situation évolue à vive allure, les fermetures d’établissements publics et privés se multiplient, ce qui rappelle l’importance de la mise en place d’un plan de continuité des affaires structuré. Mais que faire si une interruption des activités, de façon temporaire, doit néanmoins être envisagée? 

Une telle décision, aussi malheureuse soit-elle, pourrait effectivement devenir réalité pour certaines organisations, que ce soit à titre de mesure de prévention d’un point de vue médical, ou encore parce qu’il devient impossible de maintenir les activités vu le nombre important d’absences, à titre d’exemple. 

Compte tenu du caractère exceptionnel de la situation, nous estimons qu’il est possible, pour un employeur, de procéder à des mises à pied forcées et temporaires, sans rémunération, dans un tel contexte. 

Dans un tel scénario, les éléments suivants sont à prendre en compte : 

  • Pour les salariés syndiqués, nous sommes d’avis que la présente situation constitue un élément de force majeure qui pourrait justifier de procéder à des mises à pied sans préavis et sans rémunération, malgré des dispositions à l’effet contraire dans une convention collective, dans la mesure où i) cette décision est justifiée par des motifs sérieux et documentés et ii) que des mesures sont prises pour limiter la durée de ces mises à pied dans le temps. À ce sujet, des parallèles fort intéressants peuvent être effectués avec la crise du verglas1, entre autres, où une décision avait été rendue abordant ces principes et confirmant la décision de l’employeur de faire fi des dispositions de la convention collective afin d’effectuer des mises à pied dans ce contexte;
  • Pour les employés non syndiqués, la Loi sur les normes du travail (pour une durée maximale de six mois) et le Code canadien du travail (pour une durée maximale de trois à six mois selon le cas) autorisent une telle mise à pied sans solde, sans qu’aucun préavis ne soit nécessaire;
  • Quant à savoir si une mise à pied temporaire constitue un congédiement déguisé au sens du Code civil du Québec (et qui pourrait donc donner lieu à une réclamation pour délai-congé), la jurisprudence à cet égard peut à première vue sembler contradictoire2. Or, dans un cas de pandémie et de force majeure, nous sommes d’avis qu’une personne qui est mise à pied temporairement ne pourrait considérer qu’il s’agit d’une modification substantielle à ses conditions de travail. Dans ce contexte, un employeur nous apparaît donc justifié de faire des mises à pied temporaires;
  • Dans tous les cas, bien que cela soit rare, il faut souligner que si une véritable obligation de garantie se retrouve à une convention collective ou à un contrat d’emploi, les syndicats et les employés pourraient s’opposer à une défense de force majeure. À cet effet, il est important que les textes des conventions collectives et des contrats d’emploi ainsi que les circonstances de la relation contractuelle soient analysés par vos conseillers juridiques.

Évidemment, une telle décision n’est pas sans conséquence pour les employés comme les entreprises, ce pour quoi nous formulons les quelques recommandations pratiques suivantes dans la mesure où une telle avenue devait s’imposer : 

  • Mettre en place un plan de communication misant sur la transparence auprès de vos employés et de leurs représentants syndicaux (le cas échéant) expliquant les motifs de votre décision et le caractère temporaire de la mesure;
  • Informer rapidement et efficacement vos employés des mesures d’aide disponible, notamment auprès de l’assurance-emploi et, lorsque celles-ci seront précisées, des conditions d’aide du gouvernement du Québec. Sur ce point, rappelons que le premier ministre François Legault a promis des mesures d’aide pour les employés et les entreprises du Québec aux prises avec les conséquences de la présente situation;
  • Rediriger vos employés affectés par une telle mesure vers l’assurance-emploi en émettant des relevés d’emploi de façon urgente et en indiquant une mise à pied temporaire pour manque de travail compte tenu de la situation entourant la COVID-19;
  • Établir à l’avance un plan de reprise de vos activités et de rappel de vos employés permettant une relance efficace de vos opérations et en respect, lorsqu’il est applicable, des dispositions prévues à la convention collective; 
 

Notes

1   Voir Syndicat des salariées et salariés de la fromagerie (C.S.D.) et Agropur Coopérative agro-alimentaire, usine de Granby, AZ-99141107;

2   Voir les décisions rendues par la Cour d’appel et la Cour supérieure du Québec validant deux approches distinctes : Groupe Lelys c. Lang, 2016 QCCA 68 et Stepanian c. Réseaux sans fils Calamp inc., 2018 QCCS 611;



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