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Infolettre trimestrielle en droit de l’emploi et du travail au Canada
La présente infolettre informera les employeurs des faits nouveaux et des pratiques exemplaires dans le domaine du droit de l’emploi et du travail au Canada.
Canada | Publication | 4 mars 2025
En 2024, le gouvernement du Canada a redoublé d’efforts pour élargir la portée et renforcer l’application des outils de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et des sanctions économiques. Un examen qui sera entrepris prochainement par le Groupe d’action financière intergouvernemental a motivé ces mesures. En 2025, il est fort probable que, en raison de facteurs nationaux et internationaux, le gouvernement intensifie sa lutte contre les crimes économiques et impose des obligations additionnelles de conformité aux entreprises canadiennes.
Nous avons recensé les nouveautés les plus marquantes de la dernière année en matière de lois sur la criminalité financière et les sanctions qui s’y rapportent et vous indiquons à quoi s’attendre au cours des deux prochaines années.
Tout au long de 2024, le gouvernement du Canada a continué d’inscrire de nouvelles personnes et entités sur la liste des sanctions imposées par le Canada. Le gouvernement continue de s’appuyer principalement sur la Loi sur les mesures économiques spéciales (LMÉS), qui est la loi canadienne permettant l’imposition de sanctions primaires de manière autonome, pour imposer des sanctions économiques1. Au cours des derniers mois, les règlements pris en application de la LMÉS ont été modifiés afin de viser de nouvelles personnes et entités, dont la Russie, le Bélarus, l’Ukraine, Haïti, l’Iran, le Vénézuéla, le Myanmar, le Soudan et la Chine.
Ces règlements continuent d’être modifiés discrètement, rapidement et généralement rétroactivement.
De plus, les listes consolidées publiées en ligne par le gouvernement ne sont pas nécessairement à jour sans compter que la règle de « propriété réputée » (entrée en vigueur en 2023) fait en sorte qu’une entité pourrait être la cible de sanctions sans figurer elle même sur la liste établie par règlement au titre de la LMÉS ou sur la liste consolidée.
En mars 2024, Affaires mondiales Canada (AMC) a publié des lignes directrices sur l’application des sanctions économiques canadiennes2. La publication de ces lignes directrices d’interprétation était très attendue par le milieu juridique en droit commercial qui les réclamait depuis longtemps.
Malheureusement, ces lignes directrices n’ont apporté qu’un éclairage limité, confirmant essentiellement que AMC interprétait largement les dispositions sur les sanctions criminelles. Pour en savoir plus à ce sujet, consulter notre bulletin « Une intervention encore loin du compte ».
Le 4 février 2025, l’Association du Barreau canadien a adopté la résolution 25-02-A exhortant le ministre des Affaires étrangères à donner des directives exhaustives sur l’interprétation et l’application des sanctions économiques et à prendre d’autres mesures pour améliorer la transparence et la prévisibilité quant à l’application des sanctions économiques3.
Nous espérons que le gouvernement s’inspirera du Office of Foreign Assets Control des États Unis et du Office of Financial Sanctions Implementation du Royaume-Uni, qui continuent d’émettre des directives aux personnes qu’ils régissent.
Les plus récents efforts de mise à jour du régime de sanctions du gouvernement du Canada ont visé le contournement des sanctions par l’adoption de modifications à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPCFAT) et au Code criminel4. Ces modifications ajouteront une série de nouveaux éléments en matière d’application des sanctions. Les changements les plus notables sont les suivants :
Cette modification pourrait avoir d’importantes répercussions en matière d’application des sanctions puisque l’infraction s’étend aux biens ou à leurs produits obtenus en violation de la législation canadienne sur les sanctions. Il devient ainsi plus facile d’obtenir un mandat de perquisition et des ordonnances de communication dans le cadre d’enquêtes portant sur des infractions possibles liées aux produits de la criminalité et aux actifs numériques9. Ces changements sont entrés en vigueur le 18 septembre 2024.
Le projet de loi C-59 traduit les efforts continus déployés par le gouvernement fédéral pour harmoniser les régimes en matière de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité, de douanes et d’application des sanctions. Il s’agit d’une imposante pièce législative, dont certains éléments, comme les modifications touchant les mesures d’application douanières, ne sont pas encore en vigueur.
En plus des modifications visant spécifiquement les sanctions, le gouvernement du Canada a apporté de nombreuses modifications à la LRPCFAT, aux règlements pris au titre de la LRPCFAT, à la Loi canadienne sur les sociétés par actions et au Code criminel afin d’élargir en général la portée de l’application des lois canadiennes de LRPC-FAT. En voici quelques-unes :
Le 16 décembre 2024, le gouvernement du Canada a publié son Énoncé économique de l’automne (Énoncé). L’Énoncé fait état des changements législatifs en matière de sanctions et de recyclage des produits de la criminalité que le gouvernement se propose de mettre en œuvre.
Premièrement, le gouvernement propose de modifier la LMÉS pour y inclure une « redevance » ciblée sur les bénéfices exceptionnels issus d’actifs immobilisés (c.-à-d. principalement les actifs immobilisés de personnes de la Russie sanctionnées) et détenus par des institutions financières sous réglementation fédérale. L’intention est d’utiliser les intérêts provenant des actifs financiers bloqués pour assurer le service des prêts consentis à l’Ukraine10.
Deuxièmement, l’Énoncé indique que la portée du cadre de LRPC-FAT continuera d’être élargie. Le fait que le mécanisme de LRPC-FAT cible maintenant le contournement des sanctions a une incidence sur la conformité au régime de sanctions canadien. Parmi les changements annoncés figurent l’élargissement de l’application du cadre de LRPC-FAT afin d’y inclure un plus grand nombre de fournisseurs de services, la mise sur pied d’un nouveau groupe de travail pour favoriser le repérage des stratagèmes de recyclage des produits de la criminalité par les organismes d’application de la loi et le secteur financier et l’accroissement des pouvoirs d’échange de renseignements pour les organismes de réglementation.
Troisièmement, l’Énoncé prévoit une augmentation de la limite du montant total des pénalités administratives pécuniaires pour les crimes financiers, qui peut atteindre 20 millions de dollars pour les entreprises11.
Finalement, aux termes des modifications, le ministre des Finances devra être consulté au sujet de la mise en œuvre de sanctions économiques susceptibles de présenter des risques pour le système financier du pays12.
Par le passé, le Canada n’a jamais adopté une approche énergique dans l’application de son programme de sanctions. Nous n’avons eu connaissance d’aucun rapport faisant état d’accusations criminelles portées par le Canada pour des infractions visant des sanctions depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie en 2022.
Toutefois, une application plus rigoureuse des sanctions semble s’annoncer. Par exemple, l’ASFC a récemment détenu des expéditions en raison de violations soupçonnées de sanctions de même que des marchandises soupçonnées d’être des produits issus du travail forcé13. L’inaction canadienne sur le plan réglementaire découle peut-être du sentiment qu’avaient les organismes de réglementation de ne pas pouvoir enquêter et poursuivre en cas d’infractions de contournement des sanctions (voir notre bulletin de 2021 portant sur un acquittement dans le cadre des sanctions visant la Syrie). Si tel est le cas, les modifications apportées par le projet de loi C-59 pourraient favoriser une plus grande application de la loi. Les entreprises canadiennes devraient revoir leurs politiques et pratiques en matière de vérification diligente et de conformité, leurs chaînes d’approvisionnement et leurs partenaires et s’ajuster au besoin.
Il se pourrait que les autres modifications prévues dans le projet de loi C-59 soient mises en œuvre à un moment donné en 202514.
Les modifications prévues dans le projet de loi C-59 pourraient être un signe de l’intention du gouvernement fédéral de mettre davantage l’accent sur l’application des sanctions. Peu importe ce qui arrivera, les entreprises canadiennes doivent s’assurer que leurs politiques et pratiques en matière de conformité sont conformes au cadre législatif en constante évolution au Canada et à l’étranger.
Les auteurs tiennent à remercier Ian Chesney, stagiaire, pour son aide dans la préparation de la présente actualité juridique.
À noter toutefois que, en 2023, le Canada a modifié la LMÉS afin de permettre au gouvernement d’imposer des sanctions secondaires, ce qu’il a fait en février 2025.
Notamment au moyen du projet de loi C-59 ayant reçu la sanction royale le 20 juin 2024 et par une série de modifications à la réglementation prise au titre de la LRPCFAT entrées en vigueur en 2024.
Voir Gouvernement du Canada, La Gazette du Canada, Partie I, volume 158, numéro 48.
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