Les modifications à venir touchant les lois du travail fédérales interdiront aux employeurs d’embaucher des travailleurs de remplacement durant les conflits de travail et exigeront des employeurs et des syndicats qu’ils négocient quels services essentiels seront maintenus pendant les arrêts de travail.


Entrée en vigueur le 20 juin des modifications prévues au projet de loi C-58 

Le 20 juin 2025, le projet de loi C-58, Loi modifiant le Code canadien du travail et le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles, entrera en vigueur, entraînant d’importantes modifications au droit régissant les négociations collectives et les conflits de travail pour les entreprises de compétence fédérale. À compter de cette date, tous les employeurs sous réglementation fédérale seront assujettis aux obligations suivantes :

  • Il leur sera interdit d’avoir recours à des travailleurs de remplacement, ou à des travailleurs d’une unité de négociation, qui cherchent à « franchir la ligne de piquetage » pour accomplir les tâches d’employés syndiqués d’une unité de négociation en grève ou en lock-out, sous réserve d’exceptions limitées. Le recours illégal à des travailleurs de remplacement constituera une infraction passible d’une amende ne dépassant pas 100 000 $ par jour si l’employeur est reconnu coupable.
  • Ils devront, dès le début des négociations en vue de conclure une convention collective, négocier une entente relative au maintien des activités avec le syndicat, c. à d. une entente sur les services essentiels. Cette entente doit décrire la prestation de services, le fonctionnement des installations ou la production de biens qui seront maintenus pendant une grève ou un lock-out afin de prévenir des risques imminents et graves pour la sécurité ou la santé du public, le cas échéant. Les parties peuvent aussi convenir qu’il n’est pas nécessaire de maintenir de telles activités. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre, le Conseil canadien des relations industrielles tranchera la question du maintien des activités. Pour le moment, la conclusion d’une telle entente est un élément facultatif pouvant être soulevé par l’une ou l’autre des parties au cours des négociations, mais elle n’est pas obligatoire.

Ces deux modifications forceront les employeurs à revoir leur façon d’envisager les négociations collectives et les conflits de travail. La négociation d’ententes relatives au maintien des activités deviendra partie intégrante du processus de négociation, même s’il demeure probable que des différends surviennent concernant l’étendue des services essentiels devant être maintenus. L’interdiction de recourir à des travailleurs de remplacement pourrait entraîner des conséquences concrètes plus lourdes, surtout dans les secteurs où les travailleurs de remplacement ont, par le passé, permis d’assurer la continuité viable des activités pendant les arrêts de travail. Les grèves ou les lock-out qui se prolongent pourraient devenir plus onéreux. Même les employeurs qui se voient dans l’impossibilité de poursuivre leur exploitation pendant un conflit de travail, mais qui maintiennent certaines activités (notamment l’entretien, un arrêt de production, le soutien à la clientèle) devront se demander à qui ils pourront faire appel et quelles tâches pourront être accomplies après le début d’un conflit de travail.

Évolution de l’interdiction du recours aux travailleurs de remplacement au Canada

L’interdiction de recourir à des travailleurs de remplacement fait pencher le pouvoir de négociation des employeurs vers les syndicats dans le processus de négociation collective. Si les négociations aboutissent à une impasse, un arrêt de travail pourrait entraîner non seulement une réduction, mais éventuellement une cessation totale, du travail de l’unité de négociation. Si les interdictions de recours aux travailleurs de remplacement devaient être élargies davantage, les employeurs en subiraient des conséquences importantes. 

Depuis l’adoption du projet de loi C-58 en juin 2024, l’interdiction de recours aux travailleurs de remplacement a été élargie deux fois au Canada :

  • Un tribunal de la Colombie-Britannique a élargi l’application de l’interdiction de recours aux travailleurs de remplacement à l’extérieur de la province. En août 2024, un tribunal de la Colombie-Britannique a déclaré que l’interdiction provinciale de recours aux travailleurs de remplacement pouvait avoir un effet extraterritorial afin d’empêcher qu’un employeur ne déménage les tâches d’une unité de négociation à l’extérieur de la province. Cette décision a été portée en appel et une décision est attendue prochainement. 

    L’issue de ce litige pourrait se répercuter sur la portée territoriale des interdictions de recours aux travailleurs de remplacement dans d’autres territoires, y compris au fédéral. Comme la compétence fédérale s’exerce sur tout le territoire canadien, un tel raisonnement signifierait qu’un employeur ne peut relocaliser les tâches d’une unité de négociation d’une entreprise de compétence fédérale à l’extérieur du Canada pendant un arrêt de travail.
  • Le Manitoba adopte une loi similaire. Avant 2024, seulement deux provinces canadiennes, soit la Colombie-Britannique et le Québec, étaient dotées d’une interdiction de recours aux travailleurs de remplacement. En novembre 2024, le Manitoba est devenu la troisième province à adopter une telle interdiction. Voir à ce sujet notre actualité juridique publiée en anglais seulement ici.

En date du 20 juin 2025, quatre territoires auront édicté des interdictions de recours à des travailleurs de remplacement (trois au palier provincial et une au palier fédéral). Il est aussi possible que la portée territoriale de ces interdictions fasse l’objet d’une interprétation large. Les faits nouveaux touchant cette question intéresseront particulièrement les employeurs comptant des employés syndiqués partout au Canada.

Notre équipe suit avec attention l’évolution des lois et de la jurisprudence en droit du travail canadien et publiera d’autres mises à jour au besoin.



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