
Publication
Infolettre trimestrielle en droit de l’emploi et du travail au Canada
La présente infolettre informera les employeurs des faits nouveaux et des pratiques exemplaires dans le domaine du droit de l’emploi et du travail au Canada.
Canada | Publication | 5 mars 2025
En date du 4 mars, les États-Unis ont appliqué les tarifs de 10 à 25 % sur les importations d’origine canadienne qui avaient été annoncés initialement le 1ᵉʳ février, et le Canada a à son tour appliqué des mesures de représailles. Dans le présent article, les membres du groupe de travail en droit commercial transfrontalier analysent les derniers faits nouveaux et font le point sur les changements dans les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis qui affecteront les entreprises canadiennes et américaines.
Depuis minuit le 4 mars, des droits de 25 % s’appliquent à toutes les importations de produits du Canada (c.-à-d. les produits d’origine canadienne) aux États-Unis, à l’exception de certaines ressources énergétiques énumérées ci‑dessous, qui sont assujetties à des droits moins élevés, soit 10 %. Les tarifs ont été mis en œuvre en vertu du pouvoir que la loi intitulée International Emergency Economic Powers Act confère au président pour réagir à des situations d’urgence nationale. Initialement, les tarifs devaient entrer en vigueur le 4 février, mais ils avaient été suspendus pendant 30 jours pour laisser plus de temps aux États-Unis et au Canada de tenir des discussions.
Le 1ᵉʳ février, le président américain Donald Trump a signé trois décrets imposant des tarifs sur toutes les importations en provenance du Canada, de la Chine et du Mexique. Ces décrets étaient fondés sur des urgences nationales déclarées associées à des allégations d’immigration illégale et d’importations de fentanyl en provenance de chaque pays1. Les décrets faisaient suite à des mois de spéculation quant à l’imposition ou non de tels tarifs. Le Canada a répondu le jour même, le 1ᵉʳ février, en annonçant des tarifs de représailles2. Vous trouverez nos précédentes analyses sur ces annonces dans nos publications ici et ici, ainsi que dans notre webinaire disponible ici.
Comme les tarifs devaient initialement entrer en vigueur le 4 février, les entreprises canadiennes avaient immédiatement commencé à se préparer à faire des ajustements importants. Toutefois, le 3 février, le président Trump et le premier ministre Trudeau ont convenu de suspendre les tarifs imposés à l’encontre du Canada pendant 30 jours, reportant la date de mise en œuvre au 4 mars3.
Les tarifs qui ont été mis en œuvre sont presque identiques à ceux qui avaient été annoncés le 1ᵉʳ février. L’une des seules exceptions consiste en une modification datée du 2 mars effectuée par le président Trump4 qui permet temporairement que l’exception de minimis (pour les importations d’une valeur inférieure à 800 $) continue d’être disponible pendant un certain temps, alors que le décret initial indiquait qu’elle ne s’appliquerait pas à ces tarifs. L’exception de minimis demeurera dorénavant une exception aux tarifs jusqu’à ce que « des systèmes adéquats soient en place pour traiter et percevoir pleinement et rapidement les revenus tarifaires » tirés de ces produits actuellement admissibles5.
De plus amples renseignements ont aussi été fournis sur les travaux de réparation et de transformation. Plus précisément, les marchandises d’origine américaine exportées au Canada qui sont ensuite retournées aux États-Unis après des réparations, des modifications ou des transformations particulières au Canada seront assujetties à des tarifs seulement pour les travaux effectués au Canada.
Le décret américain qui décrit ces nouveaux tarifs vise spécifiquement « tous les articles qui sont des produits du Canada », ce qui, dans le jargon du droit commercial, signifie « marchandises originaires du Canada ». Les marchandises expédiées du Canada aux États-Unis ne sont pas toutes considérées comme étant originaires du Canada. Les marchandises fabriquées dans d’autres pays qui transitent par le Canada ne sont pas considérées comme étant originaires du Canada.
Le pays d’origine d’une marchandise dépend des règles d’origine techniques établies dans les accords commerciaux. En général, il faut qu’une marchandise subisse un certain degré de transformation importante dans un pays pour devenir une marchandise de ce pays. Dans leur avis des douanes, les États-Unis ont indiqué que la question de savoir si une marchandise est originaire du Canada sera déterminée en vertu des règles d’origine de l’Accord Convention Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) et selon que le Canada était ou non le dernier pays de « transformation substantielle » avant l’importation aux États-Unis6.
Les règles sont conçues pour que les entreprises ne puissent librement changer l’origine d’une marchandise dans l’espoir d’éviter les droits de douane ou d’en diminuer le montant. Par exemple, une entreprise ne pourra pas éviter les tarifs en expédiant des produits fabriqués au Canada à un endroit provisoire avant leur expédition aux États-Unis, puisque les règles dépendent de l’emplacement des processus de fabrication et non des itinéraires d’expédition.
À quelques rares exceptions près, les droits s’appliquent à toutes les marchandises corporelles originaires du Canada qui transitent par les douanes américaines à des fins de consommation. Aucune exemption n’est prévue pour des secteurs comme la défense ou l’aérospatiale.
Le décret ne semble pas viser les marchandises incorporelles ou les services qui ont par le passé toujours été exemptés de droits et de tarifs. Par exemple, les tarifs ne semblent pas s’appliquer aux transferts de logiciels numériques ni à d’autres transmissions électroniques de données techniques.
L’électricité a également été traitée par le passé comme un produit incorporel qui ne passait pas par les douanes et, par conséquent, n’était pas assujetti aux droits ou tarifs à l’importation. Le décret a toutefois causé une certaine confusion quant à son applicabilité à l’électricité produite par des centrales hydroélectriques, étant donné que la définition d’énergie et de ressources énergétiques comprend « le mouvement cinétique de l’eau courante », qui semble viser l’énergie hydroélectrique. Malgré l’inclusion de cette expression, il existe toujours un argument solide selon lequel l’électricité est exemptée des nouveaux tarifs. Cela dit, il reste à voir si l’administration Trump cherchera néanmoins à percevoir des tarifs sur la quantité importante d’énergie hydroélectrique qui traverse la frontière entre le Canada et les États-Unis.
Le 5 mars, les États-Unis ont annoncé que le secteur automobile bénéficierait d’une exemption d’un mois de l’application des nouveaux tarifs américains.
Dans sa forme actuelle, le décret ne prévoit aucun drawback sur les droits, même si les États-Unis ont des programmes qui permettent généralement aux importateurs de demander des reports, des remboursements, des réductions ou des exonérations.
Le gouvernement du Canada, qui avait déjà réfléchi à sa réponse, a mis en branle son plan de représailles. Les mesures connexes seront appliquées en deux temps. Tout d’abord, dès le 4 mars, le Canada a imposé des droits de 25 % sur des marchandises américaines d’une valeur de 30 G$ (la liste complète se trouve ici). Comme l’a déjà indiqué le gouvernement, les contre-mesures tarifaires ne s’appliqueront pas aux marchandises en provenance des États-Unis qui étaient en transit le 4 mars.
Ensuite, des droits de 25 % s’appliqueront à une autre liste de marchandises d’une valeur de 125 G$ en provenance des États-Unis. Le 4 mars, le gouvernement du Canada a publié un avis d’intention dans lequel il ndiquait son projet d’imposer des tarifs douaniers sur une liste de produits et la tenue d’une période de consultations jusqu’au 25 mars (tout en précisant qu’il pourrait mettre en œuvre ces tarifs plus rapidement en réaction à d’autres menaces tarifaires de la part des États-Unis). La liste est longue et comprend des produits de viande et de volaille, des fruits, des légumes, des noix, du pain, du coton, des tissus, des tubes et tuyaux, des vis, des poêles, du papier d’aluminium et bien plus encore.
À l’instar des tarifs douaniers américains, les contre-mesures tarifaires canadiennes ne s’appliqueront qu’aux « marchandises en provenance des États-Unis, qui seront considérées comme des marchandises pouvant être marquées en tant que produits des États-Unis, conformément au Règlement sur la détermination, aux fins de marquage, du pays d’origine des marchandises (pays ACEUM)7 ».
Le gouvernement du Canada a déclaré que, au moins pour sa première série de contre-tarifs, ses programmes actuels d’exonération des droits et de drawbacks seraient offerts pour tous les droits payés ou payables, sous réserve des exigences de l’ACEUM8.
Le gouvernement a également publié un document d’orientation sur le processus de demande de remise des droits de douane sur des produits des États-Unis qui s’appliquaient à compter du 4 mars. Il a indiqué qu’il examinerait les demandes de remise – qui prévoient l’allègement du paiement des droits de douane ou le remboursement des droits de douane déjà payés – dans les deux situations suivantes, s’il existe des « circonstances exceptionnelles et impérieuses » :
À la date de publication de la présente actualité, certaines provinces ont commencé à annoncer leurs propres plans de représailles, et d’autres leur emboîteront probablement le pas. Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a menacé de suspendre les exportations ontariennes d’électricité qui permettent d’alimenter les réseaux électriques de l’État de New York. De son côté, le gouvernement du Québec a annoncé des pénalités allant jusqu’à 25 % sur toutes les soumissions présentées par des entreprises américaines. Certaines provinces ont menacé de doubler les droits de péage routier pour les véhicules commerciaux en provenance des États-Unis. Au moment où nous publions la présente actualité, seules l’Alberta et la Saskatchewan n’avaient pas encore annoncé de contre-mesures; les autres provinces semblent largement soutenir la réponse fédérale.
Tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium
Les 10 et 11 février derniers, le président Trump a signé deux décrets supplémentaires qui, ensemble, entraîneront l’imposition de tarifs de 25 % sur toutes les importations de produits en acier et en aluminium bruts, semi-transformés et dérivés aux États-Unis en provenance de n’importe quel pays, y compris le Canada9. Ces nouveaux tarifs devraient entrer en vigueur le 12 mars.
Il ne s’agit pas de nouveaux tarifs à proprement parler, les décrets ne faisant qu’ajuster et élargir les tarifs imposés par le président Trump durant son premier mandat. En 2018, ce dernier a invoqué l’article 232 de la Trade Expansion Act of 1962 américaine pour imposer des tarifs douaniers de 25 % sur les importations d’acier et de dérivés connexes et de 10 % sur les importations d’aluminium et de dérivés connexes. Ces tarifs ont été imposés quand le Département américain du Commerce a estimé que les importations d’acier et d’aluminium menaçaient la sécurité nationale des États-Unis ou pouvaient y porter atteinte10. Au cours des années qui ont suivi, jusqu’à la fin du premier mandat du président Trump et tout au long de celui du président Biden, les tarifs ont été considérablement assouplis grâce à diverses exceptions et exemptions.
Dernièrement, invoquant les mêmes raisons relatives à la sécurité nationale, le président Trump a retiré les diverses exceptions et exemptions accordées ces dernières années, a élargi la définition des produits dérivés assujettis aux tarifs et, dans le cas de l’aluminium, a augmenté sensiblement le taux tarifaire qui s’y appliquait. Les décrets ont supprimé et réduit progressivement toutes les exemptions préexistantes visant spécifiquement des produits ou des pays, y compris le Canada. Ils précisent en outre que toutes les ententes relatives à des exemptions visant des pays prendront fin le 12 mars. De plus, toutes les exemptions visant des produits « généralement approuvées » seront annulées à la même date11. Toutefois, les exclusions de produits individuels qui ont été accordées antérieurement demeureront en vigueur jusqu’à leur date d’expiration ou jusqu’à ce que le volume pertinent soit importé, selon la première de ces éventualités.
Les décrets ont également retiré au secrétaire au Commerce le pouvoir d’autoriser de nouvelles exclusions de produits. Pour justifier cette décision, la Maison-Blanche a pointé du doigt l’assouplissement des tarifs douaniers consenti par l’ancien président Biden en qualifiant les exemptions précédemment accordées de « failles » qui « permettaient d’échapper aux droits de douane et d’affaiblir l’efficacité du programme »12. La liste complète des articles, y compris les produits dérivés de l’acier et de l’aluminium concernés, qui seront visés par les tarifs douaniers a depuis été publiée13.
Toutefois, les produits dérivés de l’acier qui ont été transformés au Canada (ou dans un autre pays) à partir d’acier ou d’aluminium dont la fonte et le coulage ou la fusion et le moulage ont d’abord eu lieu aux États-Unis ne sont pas visés par ces tarifs.
Tarifs douaniers sur le cuivre
Le 25 février dernier, le président Trump a signé un décret14 ordonnant au secrétaire au Commerce d’ouvrir une enquête en vertu de l’article 232 sur les importations de cuivre qui pourraient entraîner l’imposition de tarifs douaniers sur les importations de cuivre brut et raffiné et de ses produits dérivés.
Pour l’instant, la possibilité d’imposer des tarifs douaniers n’en est qu’à l’étape d’enquête. Le secrétaire au Commerce doit fournir au président un rapport dans les 270 jours (au plus tard le 22 novembre 2025) qui détaille les conclusions de l’enquête et fournit des recommandations en matière de politiques sur des façons d’atténuer toute menace pour la sécurité nationale, y compris l’imposition potentielle de tarifs douaniers.
Autres tarifs douaniers
Au début du mois de février, le président Trump a annoncé son intention d’imposer des tarifs douaniers réciproques à grande échelle qui correspondraient à la valeur ou à l’incidence des tarifs douaniers ou des mesures commerciales mis en place par d’autres pays sur les produits américains, et a demandé aux diverses agences exécutives d’enquêter sur la question15. S’ils ne visent pas expressément le Canada, ces tarifs réciproques s’appliqueraient à tous les partenaires commerciaux des États-Unis. L’enquête sur ces tarifs potentiels se poursuit, bien que l’administration Trump ait déclaré à plusieurs reprises qu’ils pourraient être imposés dès le 2 avril.
Le président Trump a également ordonné une enquête de sécurité nationale sur les importations de bois d’œuvre aux États-Unis, indiquant que des tarifs douaniers supplémentaires visant le bois d’œuvre résineux canadien pourraient être imposés en plus des droits existants. L’enquête doit être effectuée d’ici 270 jours.
Dans le cadre de leur politique commerciale faisant passer avant tout les intérêts américains (America First Trade Policy), les États-Unis enquêtent actuellement sur des déficits commerciaux présumés qui ont des répercussions négatives sur l’économie américaine. Cette enquête devant prendre fin le 1ᵉʳ avril prochain, des tarifs douaniers ou d’autres obstacles commerciaux encore plus importants pourraient être imposés.
Les entreprises peuvent et devraient envisager les mesures suivantes en cas d’incertitude commerciale :
Pour connaître les faits nouveaux et obtenir des ressources supplémentaires, consultez fréquemment notre pôle Commerce international.
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La présente infolettre informera les employeurs des faits nouveaux et des pratiques exemplaires dans le domaine du droit de l’emploi et du travail au Canada.
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