Même lorsque des propositions d’actionnaires ne sont pas entérinées au moment du scrutin, leur influence peut se faire sentir au-delà du dépouillement des votes et provoquer un basculement dans les thèmes de l’engagement actionnarial. Qu’il s’agisse d’inciter les sociétés à faire preuve d’une transparence accrue (par exemple en demandant une communication plus détaillée sur les compétences linguistiques ou environnementales des administrateurs) ou de relancer le débat sur les mérites de la tenue d’assemblées générales annuelles en personne, ces propositions ont le chic pour garder les conseils d’administration sur le qui-vive.
Alors que la saison des procurations de 2025 touche à sa fin pour les plus grandes sociétés ouvertes du Canada, nous avons constaté que les propositions d’actionnaires se faisaient généralement moins nombreuses, mais plus déterminées. En effet, le volume de propositions soumises aux émetteurs de l’indice TSX 60 a sensiblement baissé : en date du 27 juin 2025, elles avaient diminué de 30 % comparativement à 2024.
Cette modération ne transparaît pas seulement dans les chiffres; la composition des participants a également évolué. Si les voix familières du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC), de The Accountability Board, d’InvestNow et de la Shareholder Association for Research and Education ont continué d’orienter la majeure partie des propositions soumises, la présence d’activistes ponctuels s’est révélée nettement plus modeste dans le cadre de cette saison des procurations.
Fait intéressant, si le nombre de propositions a globalement diminué, une proportion sensiblement plus réduite a été retirée avant d’atteindre l’étape du vote; proportionnellement, environ deux fois moins de propositions ont été retirées en 2025 comparativement à 2024.
Alors, quelles propositions ont atteint l’étape du scrutin en 2025? Voici cinq tendances qui ont émergé.
Intelligence artificielle : un mot à la mode parvenu aux oreilles du conseil
Au cours de la saison des procurations 2025, une hausse prononcée des propositions d’actionnaires axées sur la gouvernance de l’IA a été constatée comparativement à l’année précédente, où l’IA était quasiment absente du scrutin. Le Code de conduite volontaire visant un développement et une gestion responsables des systèmes d’IA générative avancés s’est retrouvé au premier plan, avec des propositions visant à adhérer à ce code soumises par le MÉDAC à un large éventail d’émetteurs, y compris toutes les grandes banques canadiennes. Bien que le soutien aux propositions liées à l’IA soit resté relativement modeste (entre 2 % et 17 % environ), il est évident que l’IA est devenue un enjeu de gouvernance fondamental, qui exige une attention et une supervision de la part des conseils d’administration.
Propositions en matière d’ESG : une perte de vitesse
Après plusieurs années d’activité soutenue, le volume des propositions en matière d’environnement, de responsabilité sociale et de gouvernance (ESG) soumises aux émetteurs de l’indice TSX 60 semble avoir diminué en 2025. Auparavant omniprésent, ce type de propositions fait aujourd’hui une apparition plus modeste, ce qui suggère un recalibrage des priorités des actionnaires ou peut-être une certaine « fatigue ESG ». Cette tendance se déploie d’ailleurs dans le même temps que la suspension par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières des règles et modifications concernant la communication obligatoire d’information liée au changement climatique et d’information sur la diversité.
Malgré ce ralentissement global, le thème de la gestion des risques climatiques n’a pas disparu, puisque les actionnaires continuent de faire pression sur les sociétés concernant leurs stratégies de gestion des risques liés aux changements climatiques.
Propositions anti-ESG : un déclin bien entamé
Contrairement à la vague d’activisme anti-ESG qui a été constatée aux États-Unis, le nombre de propositions cherchant à annuler les initiatives en matière d’ESG a décliné au cours de la saison des procurations canadienne de 2025. Seul un petit nombre de propositions anti-ESG figurait au scrutin, visant en premier lieu la participation des grandes banques à la Net-Zero Banking Alliance et à la Glasgow Financial Alliance for Net-Zero. La plupart de ces propositions ont été rapidement retirées, notamment parce que plusieurs banques ont choisi de leur propre chef de sortir de ces alliances.
Diversité : portée disparue
En 2025, l’intérêt spécifique porté à la diversité raciale et de genre en tant que sujets autonomes a presque totalement disparu des sujets abordés pendant la saison des procurations. Une exception a toutefois été relevée : il s’agissait d’une proposition concernant la surveillance et la publication d’un audit sur l’équité raciale visant explicitement l’examen des éventuelles répercussions néfastes de la société sur les parties prenantes non blanches et les communautés de couleur.
Rémunération : un passage au crible
Les actionnaires exigent de plus en plus une transparence à l’égard de la rémunération de la haute direction, notamment en ce qui a trait aux ratios entre le salaire du PDG comparativement au salaire médian des employés et aux paramètres de rémunération internes. En 2025, plusieurs propositions liées à la rémunération portaient précisément sur une communication détaillée de l’information concernant les paramètres de rémunération internes utilisés pour établir la rémunération de la haute direction, y compris la façon dont ces paramètres comparent les salaires de la haute direction et ceux des employés, ainsi que l’obtention d’explications sur la façon dont ces paramètres influent sur les décisions de rémunération pour le PDG et les membres de la haute direction. Bien que le soutien reste modeste (environ 7 % à 12 % de votes favorables), cette tendance témoigne de la pression croissante qui pèse sur les sociétés en termes de reddition de comptes et de transparence dans leurs pratiques de rémunération.