Le 7 juillet 2025, Hikvision Canada Inc. (Hikvision), filiale canadienne d’un fabricant de caméras de surveillance chinois, a annoncé (en anglais seulement) qu’elle contestait le décret du gouvernement du Canada l’obligeant à fermer son entreprise canadienne à la suite d’un examen relatif à la sécurité nationale mené en vertu de la Loi sur Investissement Canada (LIC).

Le décret d’examen relatif à la sécurité nationale que Hikvision conteste est inhabituel, car il a été rendu plusieurs années après le début des activités d’Hikvision au Canada. Ce décret signale une volonté accrue du gouvernement canadien d’examiner de près les entreprises existantes au Canada qu’il considère susceptibles de constituer une menace possible à la sécurité nationale du Canada. Cette affaire évoque les vastes pouvoirs dont dispose le gouvernement en vertu de la LIC, qui l’autorise à mener un examen des investissements étrangers susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale du Canada1. Les examens relatifs à la sécurité nationale peuvent être menés pour les acquisitions proposées d’entreprises existantes et la création de nouvelles entreprises ou de nouveaux secteurs d’activité canadiens, y compris en ce qui concerne les investissements qui peuvent avoir été mis en œuvre plusieurs années auparavant.


Décret relatif à la sécurité nationale visant Hikvision

Le 27 juin 2025, le gouvernement du Canada a ordonné à Hikvision de liquider ses entreprises canadiennes et de cesser toutes ses activités au Canada (le décret)2. Bien que le contenu du décret soit confidentiel, la ministre de l’Industrie, Mélanie Joly, a publié sur X que le décret intime Hikvision d’annuler immédiatement toutes les commandes, de mettre fin à tous les services de marketing et de soutien après-vente, de licencier tous les employés et entrepreneurs dans un délai de 120 jours et de s’abstenir de vendre ou de transférer ses produits à d’autres entreprises au Canada. La ministre Joly a également mentionné dans sa déclaration que la poursuite des activités d’Hikvision au Canada porterait atteinte à la sécurité nationale du Canada et que le gouvernement interdirait également l’achat ou l’utilisation des produits d’Hikvision par les ministères fédéraux et a averti les Canadiens de cesser également de les utiliser3.

Les lignes directrices publiées en vertu de la LIC indiquent qu’un éventail de facteurs contribuent aux examens en matière de sécurité nationale, y compris : 

  • les effets potentiels sur les capacités et les intérêts en matière de défense du Canada, 
  • le transfert potentiel de technologie sensible, 
  • les incidences sur la chaîne d’approvisionnement en minéraux critiques, 
  • les incidences sur les infrastructures essentielles pour assurer la santé, la sûreté, la sécurité ou le bien-être économique des Canadiens et des Canadiennes ou l’efficacité du gouvernement. 

D’autres facteurs importants pour déterminer s’il existe des préoccupations en matière de sécurité nationale comprennent le territoire où est exercé le contrôle du propriétaire non canadien et si l’entité non canadienne est détenue, contrôlée ou influencée par un gouvernement ou une entité étrangère.

L’une des caractéristiques inhabituelles de l’ordonnance est qu’elle survient une décennie après la première constitution en société d’Hikvision au Canada en 2015. Selon l’avis de demande d’Hikvision déposé à la Cour fédérale le 7 juillet 20254, l’examen relatif à la sécurité nationale a été entrepris après que le gouvernement a communiqué avec Hikvision au sujet de son défaut de déposer un avis en vertu de la LIC lorsqu’elle a commencé ses activités en 2015. En vertu de l’article 11 de la LIC, les non-Canadiens doivent aviser le gouvernement de tout investissement visant à constituer une nouvelle entreprise canadienne5. Ce n’est qu’après qu’Hikvision a déposé son avis tardif en vertu de la LIC que l’examen relatif à la sécurité nationale a débuté. Si un avis avait été déposé en 2015 lorsqu’Hikvision a commencé ses activités, le délai d’examen relatif à la sécurité nationale aurait expiré 45 jours après l’attestation de l’avis6

Le décret fait suite à une série de décisions prises en vertu des dispositions de la LIC relatives à la sécurité nationale, y compris trois décrets de dessaisissement en 2022 dans le secteur des minéraux critiques et, en 2024, des décrets de liquidation de TikTok Technology Canada Inc., de Bluevec Technologies (une entreprise antidrone) et de Pegauni Technology (une entreprise de sécurité sans fil). 

Le décret suit également de près la trajectoire de l’examen relatif à la sécurité nationale de China Mobile International (Canada) Inc. (CMI) en août 2021, à la suite duquel CMI a reçu l’ordre de procéder à la fermeture ou au dessaisissement de ses activités canadiennes en raison de préoccupations en matière de sécurité nationale. Comme dans cette affaire, CMI était présente au Canada depuis des années avant l’examen relatif à la sécurité nationale. 

La contestation de la décision par Hikvision devant la Cour fédérale

Dans sa demande de contrôle judiciaire, Hikvision a demandé à un juge d’annuler le décret au motif qu’il est déraisonnable, motivé par des fins inappropriées, indûment large et manifestement disproportionné, et que l’examen relatif à la sécurité nationale était inéquitable sur le plan de la procédure. Hikvision allègue également que le gouvernement a trop mis l’accent sur le fait que le pays d’origine de sa société mère est la Chine, que le décret n’est pas étayé par des faits et que le gouvernement n’a pas tenu compte du fond des préoccupations relatives à la sécurité nationale ni autorisé des mesures d’atténuation. 

À titre de mesure provisoire, Hikvision a également demandé la suspension du décret en attendant la procédure, citant l’incidence du décret sur ses 66 employés canadiens. Le procureur général du Canada a accepté que Hikvision reprenne ses activités normales jusqu’à ce que la Cour se prononce sur la requête en suspension.

La demande et la requête en suspension sont toutes deux devant les tribunaux et seront suivies de près. Les contestations judiciaires antérieures des décrets d’examen relatif à la sécurité nationale n’ont pas été fructueuses. Par exemple, en 2021, CMI a demandé un contrôle judiciaire du décret relatif à la sécurité nationale ordonnant la fermeture de son entreprise. Dans cette affaire, la requête en suspension du décret relatif à la sécurité nationale a été rejetée, CMI a cessé ses activités au Canada en 2022 et a finalement abandonné sa contestation judiciaire en 2023.

Points à retenir

Le décret est un signal du gouvernement indiquant que même les entreprises actuellement exploitées par des non-Canadiens seront examinées sous l’angle de la sécurité nationale. 

Il reste à voir si ce décret marque le début d’examens relatifs à la sécurité nationale accrus en vertu de la LIC, qui, jusqu’à présent, ont été rares. Au cours de l’exercice 2023-2024, plus de 1 200 demandes et avis au titre de la LIC ont été reçus. Seulement 26 investissements ont fait l’objet d’un examen prolongé en vertu des dispositions de la LIC en matière de sécurité nationale et seulement deux ont donné lieu à des décrets de dessaisissement (neuf ont été retirés et quinze ont été autorisés).  

Les investisseurs étrangers potentiels au Canada devraient encore considérer que le Canada demeure ouvert aux affaires, mais ils devraient également garder à l’esprit que le régime de la LIC, y compris les dispositions en matière d’examen relatif à la sécurité nationale, peut entraîner de graves conséquences sur les entreprises nouvellement établies et celles déjà en activité. Les investisseurs devraient faire participer les conseillers juridiques en réglementation dès le début de la planification de l’opération afin d’évaluer les risques liés à la LIC – y compris la sensibilité du secteur et de l’investisseur – et de s’assurer que le processus d’autorisation est pris en compte dans la planification de l’opération. Pour éviter le sort d’Hikvision et de CMI, les propriétaires non canadiens d’entreprises existantes ayant une présence au Canada devraient également consulter un conseiller juridique en réglementation avant d’entreprendre tout nouveau type d’opérations ou d’activités au Canada.

Les auteurs tiennent à remercier Ola Mirzoeva, stagiaire, pour son aide dans la préparation de la présente actualité juridique.


Notes

1  

Pour le résumé des modifications apportées à la Loi sur Investissement Canada (LIC) (projet de loi C-34), voir : Acheteur averti : d’importantes modifications au régime d’examen des investissements étrangers du Canada sont adoptées.

2  

Ordonnance du gouverneur en conseil 2025-0541. Voir également un résumé de la décision : https://ised-isde.canada.ca/site/loi-investissement-canada/fr/decisions-relatives-la-securite-nationale.

4   Numéro de dossier à la Cour fédérale : T-2284-25. 

5  

L’article 11 de la LIC exige des non-Canadiens qu’ils déposent un avis relatif à un investissement dans le cadre de toute acquisition de contrôle d’une entreprise canadienne. 

6  

Voir la version antérieure de l’article 2 du Règlement sur les investissements susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale (examen), qui était en vigueur en 2015 : SOR/2009-271.



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