Le 16 juillet 2025, le Commissariat au lobbying du Canada (le « Commissariat ») a publié deux nouveaux bulletins d’interprétation renfermant d’importantes mises à jour, parmi lesquelles figure notamment une nouvelle interprétation de l’expression « partie importante des fonctions » en ce qui a trait aux activités de lobbying effectuées par des employés de personnes morales et d’organisations. En vertu de l’alinéa 7(1)b) de la Loi sur le lobbying, les organisations et les personnes morales sont tenues d’enregistrer les activités de lobbying effectuées par leurs employés (appelés « lobbyistes salariés »), si ces activités constituent une partie importante de celles d’un employé, peu importe qu’elles soient exercées individuellement, par un seul employé, ou collectivement, par plusieurs employés.
Selon le premier bulletin d’interprétation, le Commissariat considère désormais qu’une « partie importante des fonctions » équivaut à huit heures ou plus consacrées à des activités de lobbying auprès de titulaires d’une charge publique au cours d’une période donnée de quatre semaines consécutives (par opposition à l’ancienne « règle du 20 % », ainsi qu’il est expliqué ci-après1). Cette nouvelle interprétation établit un seuil beaucoup plus bas pour déclencher l’obligation de faire une déclaration d’enregistrement des personnes morales et des organisations auprès du Commissariat.
Dans le deuxième bulletin d’interprétation, le Commissariat a confirmé que les anciens titulaires d’une charge publique désignée visés par la restriction quinquennale d’exercer des activités de lobbying doivent désormais tenir compte de la nouvelle interprétation relative à la période de « huit heures » pour établir si les activités de lobbying constituent une « part importante de leurs activités »2. Cette nouvelle interprétation aura pour effet d’imposer d’importantes restrictions aux anciens titulaires d’une charge publique désignée travaillant maintenant dans le secteur privé et souhaitant se prévaloir de l’exemption relative au seuil pour les activités de lobbying (auparavant la « règle du 20 % », décrite ci-après) afin d’exercer des activités de lobbying après avoir quitté une charge publique.
Ces deux nouvelles interprétations entreront en vigueur à compter du 19 janvier 2026.
Le seuil d’une partie importante des fonctions
Certaines communications avec des titulaires d’une charge publique sont considérées comme des activités de lobbying au Canada au niveau fédéral. Parmi celles-ci figurent les communications avec des titulaires d’une charge publique concernant l’élaboration, l’adoption, le rejet ou le retrait de lois, de règlements et de politiques gouvernementales ainsi que l’octroi de subventions, de contributions ou d’autres avantages financiers par le gouvernement fédéral. En ce qui concerne les lobbyistes salariés, il est tenu compte du temps consacré à la préparation en vue des échanges avec les titulaires d’une charge publique et aux échanges eux-mêmes pour établir si ces activités constituent une « partie importante des fonctions » en vertu de l’alinéa 7(1)b) de la Loi sur le lobbying.
En 2009, le Commissariat a publié un bulletin d’interprétation qui établissait qu’une « partie importante des fonctions » devait être interprétée en suivant la « règle du 20 % ». En bref, si 20 % du travail accompli, individuellement ou collectivement, par un employé considéré comme équivalent temps plein représentait des activités de lobbying auprès de titulaires d’une charge publique (y compris des activités de planification et de mise en œuvre), la personne morale ou l’organisation employant ce dernier était tenue de faire une déclaration d’enregistrement auprès du Commissariat. La « règle du 20 % » était basée sur un mois civil et représentait 32 heures au cours d’un mois donné.
Dans le nouveau bulletin d’interprétation du Commissariat, le seuil d’une « partie importante des fonctions » est redéfini. Il y est précisé que si les employés d’une personne morale ou d’une organisation consacrent au moins huit heures à des activités de lobbying auprès de titulaires d’une charge publique (volets de planification et de mise en œuvre) pendant quatre semaines consécutives au cours d’une période donnée, individuellement ou collectivement, la personne morale ou l’organisation doit enregistrer ses activités de lobbying. Cette nouvelle distinction marque une réduction importante du seuil d’enregistrement du fait qu’un bloc de huit heures par période de quatre semaines consécutives équivaut à environ 5 % des heures de travail d’un employé à temps plein au cours d’un mois donné.
Comme c’est le cas actuellement, une fois le seuil atteint, la personne morale ou l’organisation dispose d’un délai de deux mois pour fournir une déclaration d’enregistrement au Commissariat. En raison du nouveau seuil abaissé, les personnes morales et les organisations doivent inclure dans leur déclaration d’enregistrement tous les cadres supérieurs et les employés qui consacrent au moins huit heures à des activités de lobbying par période de quatre semaines, par opposition au résultat obtenu en suivant l’ancienne « règle du 20 % ».
L’interdiction quinquennale
En vertu de la Loi sur le lobbying, il est interdit aux anciens titulaires d’une charge publique désignée d’exercer des activités de lobbying pendant une période de cinq ans à compter de la date à laquelle ils cessent d’exercer leurs fonctions de titulaire d’une charge publique, sous réserve de certaines exceptions et exemptions limitées. Les titulaires d’une charge publique désignée représentent une sous-catégorie de titulaires d’une charge publique qui occupent des postes de hauts fonctionnaires. La restriction susmentionnée est appelée « interdiction quinquennale ».
L’« interdiction quinquennale » est assortie d’une exception limitée permettant aux anciens titulaires d’une charge publique désignée qui sont à l’emploi d’une personne morale d’exercer des activités de lobbying à la condition que celles-ci ne constituent pas une « part importante » de celles qu’ils exercent au nom de leur employeur. Auparavant, le Commissariat tenait compte de « la règle du 20 % » pour calculer ce qui constituait une part importante des activités de l’employé. Le Commissariat appliquera désormais la nouvelle interprétation fondée sur huit heures à compter du 19 janvier 2026.
Dans son bulletin d’interprétation, le Commissariat confirme qu’il continuera d’appliquer la « règle du 20 % » aux employés embauchés avant le 16 juillet 2025. Quant aux employés entrant en fonction à partir du 16 juillet 2025, le Commissariat appliquera la « règle du 20 % » jusqu’au 19 janvier 2025, puis la « règle des huit heures » par la suite.
Conclusion
L’incidence de cette nouvelle interprétation n’est pas négligeable. Pour les employés salariés, ceci équivaut à une réduction de 75 % du seuil nécessitant un enregistrement. Les personnes morales et les organisations qui entretiennent des relations avec le gouvernement fédéral ont tout intérêt à planifier de manière proactive leurs communications avec les titulaires d’une charge publique fédérale et le temps de préparation connexe et à assurer un suivi à cet égard en partant du principe qu’une personne morale ou une organisation qui ne s’enregistre pas auprès du Commissariat doit être en mesure de démontrer clairement pourquoi elle n’atteint pas le seuil nécessitant un enregistrement. Un défaut d’enregistrement peut entraîner des amendes pouvant aller jusqu’à 50 000 $ pour une première infraction.
De même, en ce qui concerne les anciens titulaires d’une charge publique désignée, la nouvelle interprétation pose un risque accru de non-conformité et de sanctions potentielles. Outre le suivi assuré par leur employeur, les anciens titulaires d’une charge publique désignée ont intérêt à faire, de leur propre initiative, un suivi rigoureux à l’égard de toutes leurs communications avec les titulaires d’une charge publique et du temps de préparation connexe investi pendant la période d’« interdiction quinquennale » à laquelle ils sont astreints. Les personnes morales devraient également prendre acte du nouveau seuil abaissé suivant la « règle des huit heures » qui s’applique eu égard à l’exemption de l’interdiction d’exercer des activités de lobbying lorsqu’elles embauchent d’anciens titulaires d’une charge publique désignée.
Les auteurs tiennent à remercier Catherine Héroux, étudiante, pour son aide dans la préparation de la présente actualité juridique.