Le 9 juin 2025, le premier ministre du Canada a dévoilé le plan du gouvernement visant à accroître et à accélérer les investissements du pays dans la défense. En plus de révéler son intention d’atteindre, d’ici la fin de l’exercice en cours (2025-2026), l’objectif consistant à consacrer 2 % du produit intérieur brut du Canada à la défense, il a annoncé la création d’une nouvelle agence d’approvisionnement de défense, des investissements dans le personnel et l’équipement des Forces armées, des améliorations aux capacités militaires, le renforcement de l’industrie de la défense canadienne et la diversification de ses partenariats. La majeure partie de l’annonce concernait l’élargissement des capacités de défense existantes du Canada afin de réduire sa dépendance envers les fournisseurs étrangers.
Voici le contexte juridique entourant cette annonce.
Le gouvernement a plus de latitude à l’égard de l’approvisionnement en matière de défense et de sécurité nationales que de tout autre type de marché public
Bien que les parties à des accords commerciaux soient généralement tenues de traiter les fournisseurs d’autres pays membres sur un pied d’égalité, il existe des exceptions en matière de défense et de sécurité nationales. Les chapitres sur les approvisionnements des traités commerciaux du Canada dispensent généralement les approvisionnements à des fins de sécurité nationale de l’obligation de satisfaire aux exigences applicables à d’autres types d’achats.
Ainsi, le Canada, à l’instar d’autres pays, peut donner la préférence aux entrepreneurs du secteur de la défense canadien et de celui de ses alliés privilégiés et, dans certains cas, attribuer un contrat à un fournisseur exclusif ou recourir à d’autres formes d’appels d’offres restreints pour effectuer des achats liés à la défense et à la sécurité. En 2024, le Règlement sur les marchés de l’État a été modifié pour préciser que, dans les cas où l’exception au titre de la sécurité nationale était dûment invoquée, les achats n’étaient pas non plus assujettis aux exigences de soumission concurrentielle prévues par le règlement.
Le ministère de la Défense nationale (MDN) a annoncé que 2,1 G$ (à la fois selon la comptabilité de caisse et selon la comptabilité d’exercice) compris dans l’augmentation de 9 G$ des dépenses en défense estimées pour l’exercice en cours (8,3 G$ selon la méthode de la comptabilité d’exercice) seraient destinés à renforcer la relation du gouvernement avec l’industrie de la défense canadienne, à jeter les bases d’une vaste stratégie industrielle de défense (SID) et à renforcer les partenariats industriels avec les pays alliés dans des domaines où l’industrie canadienne ne peut actuellement fournir toutes les capacités militaires nécessaires. De plus, 2 G$ additionnels ont été alloués à la diversification des partenariats de défense du Canada en dehors des États-Unis, c’est-à-dire avec ses alliés européens, asiatiques et autres.
Actuellement, le MDN et SPAC assument conjointement la responsabilité de l’approvisionnement en défense
Aux termes du régime d’approvisionnement en matière de défense existant, le MDN et le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, appelé « Services publics et Approvisionnement Canada » (SPAC), assument conjointement la responsabilité de l’approvisionnement en défense. La Loi sur la production de défense prévoit que le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux a le pouvoir exclusif d’acheter du matériel de défense et de construire les ouvrages de défense que requiert le MDN, sauf les ouvrages de défense dont la construction relève de personnes à l’emploi du gouvernement et le matériel ou les ouvrages de défense « que le ministre de la Défense nationale ou un autre ministre désigné par le gouverneur en conseil peut acquérir ou construire à la demande du ministre ».
Dans certains cas, des programmes liés à la défense comme la Stratégie nationale de construction navale ou le programme de compensation liée à la défense du Canada (le programme des retombées industrielles et technologiques) prévoient également un approvisionnement par la Garde côtière canadienne. La Garde côtière est actuellement un organisme du ministère des Pêches et des Océans (MPO).
Le premier ministre a annoncé lundi la création d’une nouvelle agence d’approvisionnement de défense, qui sera chapeautée par le secrétaire d’État à l’Approvisionnement en matière de défense, Stephen Fuhr.
La création d’une nouvelle agence d’approvisionnement de défense n’est une surprise pour personne, compte tenu des recommandations préconisant la mise sur pied d’une autorité unifiée d’approvisionnement en matière de défense qui étaient formulées depuis des années mais n’avaient jamais été concrétisées. Reste maintenant à déterminer comment cette agence fonctionnera et si elle apaisera certaines tensions entre les exigences opérationnelles du MDN et les objectifs de SPAC en matière d’approvisionnement qui existent au sein du système actuel, dont les processus d’achat ne parviennent pas à optimiser les résultats pour chacun des deux ministères.
En outre, le Canada prévoit élargir la portée, le mandat en matière de sécurité et les capacités de la Garde côtière canadienne, et intégrer cette dernière dans les capacités de défense du pays selon les critères de l’OTAN, dénotant possiblement une intention de transférer la responsabilité de la Garde côtière du MPO au MDN, bien que les annonces officielles ne l’aient pas indiqué explicitement.
Si aucun projet de loi concernant la création d’une nouvelle agence n’a encore été déposé, ce devrait être chose faite dans les prochaines semaines. Les textes de loi qui pourraient être modifiés comprennent la Loi sur la production de défense, la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux.
L’autrice tient à remercier Elisar Haydar, étudiant·e, pour son aide dans la préparation de la présente actualité juridique.