Le 4 novembre 2025, le gouvernement canadien a présenté son nouveau budget pour 2025 (Budget 2025)1. La présente actualité vise à donner un aperçu, sans être exhaustif, des nombreuses mesures contenues dans le Budget 2025 que nous estimons pertinentes pour les institutions financières exerçant leurs activités au Canada.
Modifications proposées dans le Budget 2025 qui influent sur les institutions financières
Faciliter l’accès aux capitaux
Le gouvernement fédéral cherche à améliorer l’accès aux capitaux pour les entreprises canadiennes afin d’encourager la croissance économique. Le Budget 2025 contient donc plusieurs mesures visant à faciliter l’accès aux capitaux auprès des institutions financières.
Plus important encore, le Budget 2025 propose de stimuler les investissements par les assureurs et les institutions financières en annulant les limites prévues dans les lois sur les emprunts et les placements de portefeuille en les remplaçant par des consignes plus souples établies par le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) ainsi que par des limites cibles relatives à ces placements dans les prêts commerciaux, de biens immobiliers et de titres de participation2.
De plus, le gouvernement fédéral a conclu une entente de principe avec les provinces et les territoires pour ajouter un chapitre sur les services financiers à l’Accord de libre-échange canadien afin de favoriser un secteur des services financiers canadien efficace et ouvert. En parallèle, le BSIF tient actuellement des consultations sur l’assouplissement des normes de fonds propres pour les prêteurs de plus petite taille, la révision du traitement de certains prêts et l’ajustement des règles applicables aux investissements dans les infrastructures.
Accroître la concurrence dans le secteur bancaire
Un autre objectif du gouvernement fédéral énoncé dans le Budget 2025 est d’accroître la concurrence dans le secteur bancaire, notamment en offrant une plus grande variété d’options bancaires et ainsi permettre de réduire les coûts pour les consommateurs. Le Budget 2025 présente donc plusieurs mesures qui visent à accroître la concurrence dans les services financiers tout en assurant également la protection des consommateurs.
Le gouvernement fédéral propose des modifications législatives pour soutenir la croissance des coopératives de crédit fédérales (par fusion ou acquisition d’actifs) et faciliter l’accès des coopératives de crédit provinciales au cadre fédéral, en leur permettant de maintenir leurs activités de crédit-bail automobile existantes à titre permanent3. De plus, le seuil de capitaux propres pour l’exigence de 35 % en matière de détention publique des institutions financières passera de 2 milliards de dollars à 4 milliards de dollars, ce qui permettra aux acteurs de plus petite taille de prendre de l’expansion sans avoir à modifier leur structure de propriété4.
En ce qui concerne la protection des consommateurs, d’ici le printemps 2026, le gouvernement fédéral prévoit de publier un projet de règlement qui interdira l’imposition de frais de transfert de comptes de placement et de comptes enregistrés. Outre les mesures plus concrètes qui seront mises en place pour accroître la concurrence, le gouvernement fédéral a aussi annoncé son intention de promouvoir une plus grande transparence des frais pour transfert transfrontalier, de faciliter le transfert des comptes chèques principaux d’une banque canadienne vers une autre et de travailler en concertation avec les banques à l’élaboration d’un code de conduite volontaire en vue d’améliorer l’accès des petites institutions aux canaux de distribution des dépôts effectués par l’entremise de courtiers5.
Innovation et compétitivité
Dans le cadre du Budget 2025, le gouvernement fédéral cherche également à continuer de favoriser l’innovation responsable dans le secteur financier. Pour ce faire, le Budget 2025 entend faire progresser le système bancaire ouvert en complémentant la Loi sur les services bancaires axés sur les consommateurs afin de faciliter le partage des données financières de manière sécurisée et en intégrant un droit à la mobilité des données dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE), ce qui permet un partage des données à plus grande échelle6. Pour faire progresser encore davantage les services bancaires axés sur les consommateurs, une loi sera adoptée afin d’établir un cadre légal pour la capacité de demander qu’une opération soit réalisée, comme le transfert de comptes ou le paiement de factures (aussi appelé « accès en écriture ») d’ici le milieu de 2027.
En outre, le Budget 2025 prévoit des fonds supplémentaires pour le Service canadien du renseignement de sécurité et la Gendarmerie royale du Canada en vue de mettre en œuvre les garanties liées à la sécurité nationale prévues dans la Loi sur les services bancaires axés sur les consommateurs. Le gouvernement fédéral a également l’intention de déléguer la surveillance de l’application de la Loi sur les services bancaires axés sur les consommateurs à la Banque du Canada, étant donné qu’elle surveille actuellement les activités des fournisseurs de services de paiement. Il a aussi réaffirmé son soutien au lancement du service de paiement en temps réel, la nouvelle infrastructure de paiement d’intérêt national du Canada, en 2026, qui permet de transférer l’argent instantanément entre les comptes et de simplifier le processus de paiement.
Le Budget 2025 envisage également l’instauration d’une méthode de livraison « avis et accès » à l’égard des documents de gouvernance des institutions financières7. Les propriétaires conserveront toutefois le droit de demander la livraison par la poste de copies papier. Cette modification sera bien accueillie, car elle facilitera la communication avec les actionnaires et cadrera avec les lois canadiennes sur les valeurs mobilières. Il reste à voir à quelle vitesse ces changements seront adoptés, puisque le régime d’avis et accès de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, instauré en 2018, n’a toujours pas de règlement d’application.
Cryptomonnaies stables
Le Budget 2025 a également annoncé que la Loi sur les activités associées aux paiements de détail serait modifiée afin de laisser aux fournisseurs de services de paiement (FSP) le soin de traiter les cryptomonnaies stables visées, ce qui permettrait de réglementer les FSP qui exécutent des fonctions de paiement au moyen de ces cryptomonnaies stables. Cette annonce témoigne d’une volonté consciente d’intégrer l’activité des cryptomonnaies stables dans la sphère des paiements fédéraux et de soumettre les émetteurs de cryptomonnaies stables à des exigences de type prudentiel.
Le cadre des cryptomonnaies stables propose d’intégrer les fonctions de paiement utilisant certaines cryptomonnaies stables dans le cadre réglementaire en vigueur qui s’applique aux FSP. Les modifications législatives à venir devraient également inclure des garanties liées à la sécurité nationale afin d’assurer l’intégrité du cadre et donner aux consommateurs et aux entreprises confiance envers l’utilisation des cryptomonnaies stables.
Il est également proposé d’obliger les émetteurs de cryptomonnaies stables de maintenir des réserves d’actifs suffisantes, de respecter les obligations de rachat et d’adopter des cadres de gouvernance et de gestion des risques. En pratique, on propose que les émetteurs de cryptomonnaies stables, dont bon nombre sont actuellement des entreprises technologiques, soient tenus de mettre en œuvre des processus et des contrôles quant à la gestion des liquidités, à la suffisance du capital et à la résilience opérationnelle.
À ce jour, les cryptomonnaies stables étaient supervisées principalement par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières en vertu de la législation sur les valeurs mobilières, ce qui a laissé un cadre réglementaire fragmenté pour ces cryptomonnaies. Le Budget 2025 propose un nouveau cadre national qui sera administré par la Banque du Canada. Cette approche met le Canada au diapason d’autres territoires, comme les États-Unis et le Royaume-Uni, où les banques centrales jouent un rôle de premier plan dans la réglementation des cryptomonnaies stables pour veiller à la stabilité financière, à la protection des consommateurs et à l’intégrité du système de paiement.
Combattre la fraude financière
Face à la hausse du degré de perfectionnement des stratagèmes frauduleux ciblant la population canadienne, le Budget 2025 envisage également de renforcer la confiance de cette dernière envers la sûreté et la sécurité de leurs systèmes financiers en augmentant les mesures d’application de la loi contre la fraude financière.
Par conséquent, le gouvernement fédéral entend élaborer une Stratégie nationale antifraude qui réunira les institutions financières et les entreprises de technologie et de télécommunication pour lutter contre ces stratagèmes frauduleux de plus en plus complexes.
De plus, on envisage aussi d’apporter des modifications à la Loi sur les banques et d’adopter des règlements pertinents pour permettre aux consommateurs, entre autres, de désactiver certaines fonctions dans les comptes et de fixer des limites relatives aux opérations, ce qui les aidera à se protéger contre les acteurs frauduleux. Outre ces modifications proposées, les banques seront tenues de mettre en œuvre des politiques et des procédures et de communiquer des données sur la fraude ciblant les consommateurs à l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, qui transmettra les données anonymisées au ministre des Finances, ce qui permettra de guider l’élaboration de politiques plus précises et plus réactives pour lutter contre la fraude financière à l’avenir.
Veiller à ce que le crime ne paie pas
Dans le but de renforcer le projet de loi C-12, la Loi visant à renforcer le système d’immigration et la frontière du Canada qui contient, notamment, des mesures visant à lutter contre la criminalité financière, le Budget 2025 comprend des mesures complémentaires pour mieux protéger la population canadienne contre de telles menaces. Parmi ces mesures, on retrouve la modification de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPCFAT) et de ses règlements afin de limiter les opérations importantes en espèces de 10 000 $ ou plus et les dépôts en espèces par des tiers (lorsqu’une personne dépose de l’argent dans le compte d’une autre personne), ces dépôts étant les formes les plus courantes de blanchiment d’argent.
Le Budget 2025 souligne aussi le lancement, en février dernier, du Partenariat intégré sur le renseignement en matière de blanchiment d’argent (PIRBA) entre les institutions financières et les organismes d’application de la loi du Canada, dont l’objectif est d’améliorer la réponse du Canada aux stratagèmes sophistiqués de blanchiment d’argent. Afin de renforcer davantage le PIRBA et d’aider à détecter et à prévenir le blanchiment d’argent, des modifications à la LRPCFAT et à la LPRPDE sont proposées pour fournir des précisions sur la communication de renseignements entre le secteur public et le secteur privé.
Modifications apportées aux lois sur les sanctions dans le Budget 2025 et répercussions sur les institutions financières
Le gouvernement apporte également deux modifications à la Loi sur les mesures économiques spéciales, principal outil du Canada en matière de sanctions économiques autonomes.
D’abord, le ministre des Finances devrait être consulté avant l’imposition de nouvelles sanctions afin de tenir compte des répercussions de celles-ci sur le secteur financier dans son ensemble.
Ensuite, les modifications autoriseront la création de nouveaux règlements qui obligeraient les institutions financières à déclarer au ministre des Finances des renseignements sur les biens appartenant à une personne, à une entité ou à un État étranger sanctionné, ou détenus ou contrôlés par cette personne, cette entité ou cet État étranger sanctionné, ainsi que sur les bénéfices tirés d’un tel bien (c’est-à-dire les intérêts sur les fonds gelés). Le ministre pourrait ordonner le versement de ces bénéfices au Receveur général au moyen d’un « prélèvement ciblé sur les bénéfices exceptionnels ».
Les nouveaux pouvoirs ministériels permettant de contraindre la divulgation de renseignements et le transfert de bénéfices pourraient avoir des répercussions importantes sur les institutions financières. Le Budget 2025 contient peu d’information sur les mécanismes éventuels qui seront mis en place, mais des exigences de déclaration supplémentaires seront certainement imposées aux institutions financières, qui devraient continuer à surveiller les changements apportés au régime de sanctions. Veuillez consulter notre récente publication sur les modifications proposées aux lois sur les sanctions dans le Budget 2025 pour en savoir plus à ce sujet.
Renforcer l’examen des investissements de banques étrangères
Afin de mieux protéger la population canadienne, le Budget 2025 annonce les plans du gouvernement fédéral de modifier la Loi sur les banques pour permettre l’examen de certains types d’investissements dans des entreprises canadiennes effectués par des banques étrangères et leurs filiales sur la base des risques pour la sécurité nationale, ce qui aiderait également à assurer la cohérence avec le processus d’examen d’autres types d’investissements étrangers au Canada, particulièrement ceux qui sont visés par la Loi sur Investissement Canada8.
On ignore si un tel examen signifie que le risque potentiel pour la sécurité nationale sera simplement inclus comme l’un des facteurs à prendre en compte par le ministre des Finances lorsqu’il procédera à un examen de l’intérêt public ou si un cadre complet d’examen de la sécurité nationale sera intégré à la Loi sur les banques, ce qui donnerait lieu à une application plus large que le processus actuel d’examen de l’intérêt public. Le gouvernement a indiqué que des consultations ciblées auront lieu concernant ces modifications envisagées.
Conclusion
Même si le Budget 2025 propose de nombreuses mesures concrètes qui auront une incidence directe sur les institutions financières, nous sommes impatients de voir comment ces mesures seront mises en œuvre en pratique, plus particulièrement en ce qui concerne les mesures moins concrètes qui y sont proposées.
Par exemple, le gouvernement fédéral indique qu’il a l’intention de favoriser une prévisibilité et une transparence plus grandes pour les parties prenantes dans les consultations du secteur financier fédéral et de consulter les sociétés d’assurances multirisques sous réglementation fédérale afin de préparer le secteur des assurances du Canada à un tremblement de terre extrême.
Il propose également l’instauration d’un code de conduite volontaire pour la prévention de l’exploitation financière à l’intention des banques sous réglementation fédérale, qui est destiné à fixer des attentes claires quant à la manière dont les banques devraient traiter l’exploitation financière. Bien que ces objectifs soient dignes de mention, il reste à voir comment ils seront atteints en pratique, compte tenu des renseignements relativement flous fournis par le gouvernement fédéral sur ces points dans le Budget 2025.
La présente actualité ne traite pas de manière exhaustive de toutes les mesures susceptibles de toucher les institutions financières exerçant des activités au Canada; les intervenants du secteur devraient donc rester à l’affût des mises à jour et des annonces du gouvernement fédéral au fil de la mise en œuvre des nombreuses mesures, proposées ou prévues, figurant dans le Budget 2025.
Les auteurs tiennent à remercier Nathan De Tracey, stagiaire, pour son aide dans la préparation de la présente actualité juridique.