Le 13 juin 2023, le projet de loi S-5, Loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé – Résumé des modifications, a reçu la sanction royale. Il s’agit de la première série de modifications importantes apportées à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE) depuis sa promulgation en 1999.


Principales modifications

Voici les principales modifications apportées à la LCPE :

  • Reconnaissance, pour la première fois en droit canadien, du droit à un environnement sain pour toute personne vivant au Canada et du devoir du gouvernement de protéger ce droit dans le cadre de son administration de la LCPE;
  • Reconnaissance de l’importance de la gestion des substances commercialisées en vertu de la législation canadienne et confirmation de l’engagement du gouvernement en faveur de l’ouverture, de la transparence et de la responsabilité ainsi que d’une approche de gestion des substances chimiques fondée sur le risque;
  • Reconnaissance de l’importance de :
    • tenir compte des populations vulnérables dans les évaluations des risques et réduire au minimum les risques posés par les effets cumulatifs des substances toxiques;
    • remplacer, réduire ou raffiner l’utilisation des animaux vertébrés dans les essais;
    • rendre accessible de l’information sur les risques associés aux substances toxiques, notamment par l’étiquetage des produits.
  • Attribution au gouvernement de pouvoirs de collecte de renseignements élargis couvrant un plus large éventail de substances, y compris les produits susceptibles de rejeter des substances dans l’environnement;
  • Confirmation de l’engagement du gouvernement à mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA), y compris le principe du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, et reconnaissance du rôle du savoir autochtone dans la prise de décisions liées à la protection de l’environnement et de la santé humaine.

Droit à un environnement sain

Le préambule de la LCPE comprend désormais une déclaration selon laquelle tout particulier au Canada a droit à un environnement sain. Selon le paragraphe 2(1) de la LCPE, le gouvernement doit également protéger ce droit « comme le prévoit la présente loi, sous réserve des limites raisonnables ». Actuellement, le droit à un environnement sain semble être un principe d’interprétation qui oriente l’administration de la LCPE par le gouvernement.

Des directives supplémentaires concernant l’administration par le gouvernement du droit à un environnement sain seront publiées prochainement. Dans les deux ans suivant la date d’entrée en vigueur des modifications, le gouvernement, en partenariat avec les personnes intéressées, y compris les partenaires autochtones et les représentants de l’industrie, devront élaborer un cadre de mise en œuvre afin de préciser la façon dont ce droit sera considéré dans l’exécution de la LCPE. Ce cadre explicitera les « facteurs sociaux, sanitaires, scientifiques et économiques » pertinents à prendre en considération pour interpréter le droit à un environnement sain et déterminer ses limites raisonnables, ainsi que les mécanismes visant à appuyer la protection de ce droit.

Étant donné que le cadre de mise en œuvre n’a pas encore été établi, il reste à voir si les modifications fourniront au public des moyens supplémentaires de tenir le gouvernement responsable de la protection de ce droit dans le cadre de l’exécution de la LCPE. L’incertitude demeure également quant à ce qui constituera une « limite raisonnable » relativement au droit à un environnement sain et à comment il sera pris en considération par rapport à d’autres « facteurs sociaux, sanitaires, scientifiques et économiques ».

Réconciliation autochtone

Une déclaration sera ajoutée au préambule de la LCPE afin de confirmer l’engagement du gouvernement à mettre en œuvre la DNUDPA, y compris le principe du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, et à reconnaître le rôle du savoir autochtone dans la prise de décisions liées à la protection de l’environnement et de la santé humaine.

Les modifications prévoient également la prise en compte par le ministre de l’Environnement, dans son rapport annuel au Parlement, du fonctionnement de la LCPE en ce qui a trait aux peuples autochtones du Canada. Le rapport annuel doit désormais inclure de l’information quant aux consultations et aux principales questions soulevées, à l’exécution de la LCPE, y compris les mesures prises pour favoriser la réconciliation, et aux principales conclusions et recommandations de tout rapport fait en vertu d’une loi fédérale concernant l’exécution de la LCPE et les peuples et gouvernements autochtones. Les futurs rapports annuels peuvent contenir de l’information recueillie dans le cadre du Plan de gestion des produits chimiques révisé, qui prévoit désormais la prise en compte des effets sur les populations vulnérables. Aux termes des modifications, les « populations vulnérables » comprennent les populations potentiellement visées par une plus grande exposition, par exemple des communautés autochtones situées dans des zones où les normes de pollution peuvent être dépassées.

Gestion des substances chimiques

Les modifications apportent plusieurs changements importants à la gestion des substances chimiques en vertu de la LCPE. Dans un délai de deux ans, les ministres de l’Environnement et de la Santé (les ministres) doivent publier un nouveau Plan des priorités de gestion des produits chimiques aux fins de l’évaluation continue des substances déjà commercialisées au Canada. Dans le cadre de l’évaluation et de la gestion des substances aux termes du Plan, le gouvernement devra tenir compte des populations vulnérables, des environnements vulnérables et du risque présenté par les effets cumulatifs des substances et envisager une approche fondée sur l’évaluation des substances par catégorie. Le gouvernement sera tenu de communiquer les échéanciers prévus relativement aux évaluations des risques et à la proposition de mesures concernant la gestion subséquente des risques. Les modifications permettront aux Canadiens et aux Canadiennes de demander l’évaluation d’une substance chimique et obligeront les ministres à examiner ces demandes et à y répondre.

De plus, la Liste des substances toxiques actuelle à l’annexe 1 de la LCPE sera renommée et divisée en deux parties. Les substances qui présentent le plus haut niveau de risque seront énumérées à la partie 1 de l’annexe 1. La priorité sera donnée à l’interdiction1 totale ou partielle des activités relatives à ces substances. Toutes les autres substances considérées comme toxiques en vertu de la LCPE figureront à la partie 2 de l’annexe 1 et devront faire l’objet de mesures de prévention de la pollution dans le cadre de la gestion des risques présentés par ces substances.

Le gouvernement publiera également une Liste de surveillance des substances qui peuvent présenter un risque et être considérées comme toxiques en vertu de la LCPE si, par exemple, les utilisations de ces substances changent ou l’exposition à ces dernières augmente. L’ajout d’une substance à la Liste de surveillance à la suite d’une évaluation des risques en vertu de la LCPE sera l’une des possibilités proposées. La Liste de surveillance vise à aider les parties intéressées à opter pour des solutions de rechange plus sécuritaires et à éviter les substitutions regrettables.

Pouvoirs de collecte de renseignements

Les modifications confèrent au gouvernement de nouveaux pouvoirs de collecte de renseignements sur les substances commercialisées au Canada, y compris l’obligation de mener des recherches et des études. Ce dernier aura désormais le pouvoir de préciser les méthodes de quantification des renseignements requis ainsi que les procédures et pratiques de laboratoire à suivre pour effectuer les essais requis. Il pourrait également exiger des renseignements supplémentaires et demander à ce que des échantillons soient fournis avec les résultats des essais. 

Les modifications élargissent également les pouvoirs de collecte de renseignements du ministre de façon à ce qu’ils puissent être exercés pour obliger les personnes à fournir des renseignements sur les activités qui peuvent contribuer à la pollution, y compris la fracturation hydraulique et les bassins de résidus. 

À ces nouveaux pouvoirs de collecte de renseignements s’ajoute la possibilité de faire une demande de confidentialité, tant qu’elle s’accompagne de motifs. Toutefois, le ministre a le pouvoir de divulguer le nom d’une substance maquillée lorsque les protocoles de gestion des risques ont été mis en œuvre pour la substance et le gouvernement sera autorisé à divulguer le nom dix ans suivant la date à laquelle le nom a été maquillé.

Modifications connexes à la Loi sur les aliments et drogues

Des modifications connexes seront également apportées à la Loi sur les aliments et drogues (LAD) afin d’élargir le pouvoir de gestion des risques environnementaux liés aux produits thérapeutiques dont jouit le ministre de la Santé comme suit :

  • L’ajout d’un ensemble d’outils législatifs de gestion des risques environnementaux pour les produits thérapeutiques;
  • La possibilité pour le ministre de créer des règlements pour évaluer et gérer les risques environnementaux présentés par les produits réglementés par la LAD.

Le gouvernement met actuellement au point des directives pour établir quand et comment Santé Canada pourrait appliquer ces dispositions de la LAD visant la gestion des risques environnementaux après la mise en marché. Bien qu’il soit désormais possible de créer des règlements en vertu de la LAD pour évaluer et gérer les risques environnementaux pour tous les produits réglementés par la LAD (c.-à-d. les aliments, les drogues, les cosmétiques et les instruments), seuls les règlements visant les médicaments/drogues sont envisagés pour le moment.  

À retenir

C’est la première fois qu’une loi fédérale reconnaît le droit de l’ensemble des Canadiens et Canadiennes à un environnement sain et le devoir du gouvernement de protéger ce droit et de respecter les principes de justice environnementale, d’équité intergénérationnelle et de non-régression. L’élaboration du cadre de mise en œuvre au cours des deux prochaines années déterminera de quelle façon le droit sera exercé dans le cadre de l’administration de la LCPE.

Les entreprises devraient être conscientes que les modifications à la LCPE changeront de manière substantielle l’approche du gouvernement quant à la gestion des substances chimiques. Les parties intéressées devraient suivre étroitement le processus de consultation du gouvernement pour tirer parti de l’occasion qui leur est donnée de fournir leurs commentaires relativement au Plan des priorités de gestion des produits chimiques à venir. De plus, les entreprises qui présentent des substances aux fins de l’évaluation des risques devraient se préparer à tenir compte des renseignements disponibles concernant les effets sur les populations vulnérables et les environnements vulnérables.

Nous continuerons de surveiller l’évolution de la situation et de rendre compte de tout fait nouveau. Pour toute question concernant ces modifications et leurs potentielles incidences sur votre entreprise, veuillez communiquer avec les autrices ou l’une des personnes-ressources indiquées ci-dessous.


Notes

1   Les substances peuvent être éliminées complètement de manière progressive, les activités ou rejets préoccupants peuvent être interdits ou toutes les nouvelles utilisations peuvent être prohibées, à moins qu’il puisse être démontré qu’il n’existe aucune solution de rechange plus sécuritaire et que l’utilisation peut avoir lieu en toute sécurité. 



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